AU MENU DU JOUR
Titre : La Peine Du Bourreau
Auteur : Estelle Tharreau
Éditeur : Taurnada
Parution : 2020
Origine : France
256 pages
De quoi ça cause ?
McCoy est « bourreau » au Texas. Après 42 ans passés dans le couloir de la mort, il reçoit la visite officieuse du Gouverneur Thompson qui doit se prononcer sur la grâce du condamné numéro 0451.
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Parce que c’est Taurnada, une raison qui se suffirait à elle-même.
Parce que c’est Estelle Tharreau et que j’avais adoré son précédent roman, Mon Ombre Assassine.
Ma Chronique
Je remercie chaleureusement les éditions Taurnada, et tout particulièrement Joël, pour leur confiance renouvelée et l’opportunité de découvrir ce roman en avant-première (parution le 1er octobre).
Comme de nombreux lecteurs, j’ai l’habitude de lire des romans d’auteurs français dont l’action se situe aux États-Unis (c’est sans doute encore plus vrai pour les lecteurs de thrillers) et cela ne me dérange pas outre mesure. Je pense toutefois pouvoir affirmer que jamais je n’ai autant eu l’impression de lire un roman 100% américain qu’en lisant le dernier bébé d’Estelle Tharreau.
L’auteure se penche sur le fonctionnement du système judiciaire américain, et plus particulièrement celui du Texas, un des états qui met le plus de zèle à appliquer la peine de mort. Dans son avertissement, en préambule à l’intrigue proprement dite, Estelle Tharreau précise que si les criminels mentionnés dans son roman sont fictifs, elle s’est attachée à rester fidèle au fonctionnement de la machine judiciaire. Et ça sent de la première à la dernière page de son bouquin, le réalisme est glaçant.
En donnant voix à des personnages 100% made in Texas, c’est le Vieux Sud qui s’exprime… avec ses opinions souvent tranchées et sans appel qui ne manqueront de hérisser le poil des lecteurs. Un choix totalement assumé qui vient renforcer l’immersion dans son intrigue et son impressionnant réalisme (non, je ne radote pas… j’insiste uniquement parce qu’il le vaut bien).
Un roman qui s’inscrit dans l’actualité du moment alors que le mouvement Black Lives Matter tient encore le haut de l’affiche (un mouvement parfaitement légitime mais trop souvent galvaudé par certaines prises de position en France) et que de plus en plus de français se disent favorables à un rétablissement de la peine de mort. Difficile de faire plus actuel, n’est-il point ?
Au fil des chapitres le lecteur alternera entre deux arcs narratifs, le récit du bourreau et les souvenirs du condamné à mort.
Le bourreau (ou exécuteur de peine dans sa dénomination officielle plus édulcorée) c’est McCoy, 42 ans de service dans le couloirs de la mort et de nombreuses exécutions à son actif. À la demande du gouverneur il va raconter son parcours à travers les rencontres (et souvent les exécutions) les plus marquantes qui ont jalonné sa carrière. Mais pas que… au fil des ans il finira par ne plus du tout avoir foi dans le système judiciaire qu’il est sensé servir.
Le condamné à mort a renoncé à son patronyme pour se faire appeler Ed 0452 (son numéro d’écrou), en silence il se souvient de son parcours hors du commun ; ou comment un jeune homme encore plein d’illusions devient employé du bureau du shérif avant de se transformer en tueur en série et finalement se retrouver dans le couloir de la mort.
Ce bouquin m’a quasiment pris aux tripes d’emblée pour ne plus me lâcher jusqu’au clap de fin, difficile, pour ne pas dire impossible, de rester de marbre face à un récit d’une telle intensité. Après chacun voit midi à sa porte quant à ses prises de positions sur la question de la peine de mort ; ce roman a au moins le mérite de remettre les choses en perspective et de faire réfléchir le lecteur (à défaut de le faire changer d’avis).
Je mentirai si je disais que la fin m’a pris de court, je la voyais se profiler comme une évidence. Il n’en reste pas moins qu’elle est particulièrement bien trouvée et vient renforcer un récit déjà intense et émotionnellement chargé.
Une totale réussite à laquelle je ne peux décemment pas accorder autre chose que la note maximale et un coup double (coup de cœur / coup de poing) amplement mérité.
MON VERDICT


Morceaux choisis :
La mort, on s’habitue à la voir, mais pour la souffrance, c’est plus long. Je ne sais même pas si c’est possible.
Tuer pour sauver la vie d’innocents pouvait être une façon d’aimer et de protéger.
Ce qui est juste et la justice sont deux choses très différentes.
« Vous avez déjà vu le certificat de décès d’un condamné à mort, Gouverneur ? »
Imperceptiblement, Thompson fit non de la tête.
« Dans la case “cause de la mort”, l’administration inscrit “HOMICIDE”. »
Et pour finir sur un ton un peu plus décalé mais totalement raccord avec le thème du bouquin, je cède la place au regretté Franquin avec une planche extraite de ses Idées Noires :
Un coup de coeur, un coup de poing, cinq Jack Daniels, une planche de Franquin des plus pertinentes, des morceaux choisis parmi les phrases clés de mon roman et une critique forte, le lutin irrévérencieux a encore frappé! Merci Lord Arsenik. Vous ne pouvez pas sa voir à quel point de tel retour vous donne envie de continuer à prendre la plume.
Merci à vous pour ce roman d’une redoutable efficacité.
Et merci pour votre visite.
La planche de Franquin était magnifique ! Je note ce roman puisqu’il a la note maximale en plus du coup de poing dans la gueule !
Sinon, comme fauteuil de bureau, celui de la cover en jette un max ! 😉
Excellent ce bouquin, sans forcément remettre en cause l’opinion des uns et des autres, il a le mérite de faire réfléchir sur la question de la peine de mort.
C’est exactement cela, un coup de point, un uppercut transformé en énorme coup de coeur.
Quelle écriture, quel souffle, quelle maestria.
Taurnada est un éditeur discret mais leur catalogue regorge de pépites.