[BOUQUINS] Cédric Cham – Mort A Vie

AU MENU DU JOUR


Titre : Mort A Vie
Auteur : Cédric Cham
Éditeur : Jigal
Parution : 2020
Origine : France
320 pages

De quoi ça cause ?

Pour protéger son jeune frère Eddy, Lukas endosse la responsabilité d’un accident ayant causé la mort d’un jeune piéton. Interpellé et placé en détention provisoire, il va découvrir un univers dont il était d’imaginer la dureté.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Cédric Cham, dans chacun de ses romans il excelle à décrire la noirceur de l’âme humaine et nous mitonne des intrigues qui font mouche à tous les coups.

Ma Chronique

Avec ce nouveau roman Cédric Cham impose encore un peu plus sa griffe dans le paysage de la littérature noire française (et francophone). Une fois de plus il nous propose un roman dans lequel l’intrigue se teinte certes du noir le plus obscur mais est portée par des personnages profondément humains (pour le meilleur… et pour le pire).

Le meilleur c’est Lukas qui accepte d’endosser la responsabilité d’un accident (dont il ignore pourtant les circonstances et les conséquences) causé par son jeune frère, Eddy. Un choix qu’il fait au détriment de sa propre vie, au risque de voir imploser son cocon familial (il est marié et a une fille en bas âge) et son avenir professionnel.

Un choix qui va le confronter au pire, à savoir l’emprisonnement, avec ses règles, ses codes (écrits ou non). À force de côtoyer la noirceur à longueur de temps et d’accepter certaines concessions (surtout vis-à-vis de soi-même et de sa conscience) pour assurer sa survie, c’est son âme et sa personne qui vont peu à peu se déliter. Une extinction que ne pourront empêcher les rares (et donc précieuses) relations plutôt amicales qu’il nouera en prison.

La description de l’univers carcéral est d’un réalisme glaçant, un univers que Cédric Cham connaît bien puisqu’il est dans l’administration pénitentiaire. Je crains malheureusement qu’il ne noircisse pas le tableau… nul doute que la réalité dépasse la fiction.

Le pire c’est Eddy, le frère cadet. Rien dans le personnage n’a réussi à me faire éprouver la moindre empathie pour lui. Clairement le genre de gars qui ne mérite pas que l’on détruise sa vie pour lui. Les liens du sang je veux bien, mais quand tu choisis de vivre en marge tu assumes ma poule et tu viens pas pleurnicher pour qu’on sauve tes miches une fois que la ligne jaune a été franchie.

Non content de foutre sa propre vie en l’air avec des choix toujours plus foireux les uns que les autres et des relations à l’image du milieu qu’il fréquente, il perverti et entraîne dans sa chute ceux qui ont le malheur de lui accorder un semblant de confiance (et plus si affinités).

L’auteur accorde le même soin à l’ensemble de ses personnages, pour chacun il développe une personnalité et un vécu. Ça ne nous les rend pas forcément attachants ou sympathiques (Eddy n’est pas le pire dans la catégorie des bad boys), c’est plutôt une façon réussie de nous rappeler que c’est ainsi qu’est fait et que fonctionne notre monde.

Il sera donc question d’enfermement avec les deux frères (Lukas incarcéré et Eddy empêtré dans sa connerie), de relations humaines (liens du sang, vie de couple, vie de famille, amis – les vrais comme les faux – mais aussi de relations de soumission – à l’autorité ou à la force –), de vengeances (au pluriel, oui)…

Sur la forme Cédric Cham reste fidèle à ses habitudes, une écriture et un style qui vont à l’essentiel, des chapitres courts ; tout est fait pour privilégier le rythme et ne pas égarer le lecteur. Certains pourront trouver cela un peu simple, pour moi ça contribue justement à nous plonger en totale immersion dans son récit. Une immersion qui ne manquera pas de jouer avec vos nerfs et devrait occasionner quelques poussées d’adrénaline.

Une fois de plus je referme le bouquin en ayant l’impression d’avoir pris une rafale d’uppercuts dans la gueule. Et le pire c’est que j’en redemande… mais d’abord je vais essayer de reprendre mes esprits et mon souffle.

MON VERDICT

Coup de poing

[BOUQUINS] Cédric Cham – Broyé

AU MENU DU JOUR

C. Cham - Broyé
Titre : Broyé
Auteur : Cédric Cham
Éditeur : Jigal
Parution : 2019
Origine : France
272 pages

De quoi ça cause ?

Christo vit reclus, renfermé sur lui-même, en lutte permanente contre la colère qui bouillonne en lui depuis qu’il a quitté une enfance faite de coups et maltraitances en tout genre. Son seul ami est son chien, Ringo, un amstaff qui porte lui aussi les traces d’un passé douloureux.

Mathias, un jeune garçon, a fugué dans la nuit pour fuir les coups de ses parents. Kidnappé, il reprend connaissance, enfermé nu dans une cage trop petite pour lui. Son geôlier l’informe qu’il va le dresser afin de faire de lui un homme… un soldat.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Cédric Cham et que les deux précédents romans j’ai lus de cet auteur ont été à la fois de belles découvertes que des claques dans la gueule. Que ce soit par l’intensité de ses intrigues, ou la profondeur de ses personnages, l’auteur sait y faire pour nous plonger en totale immersion dans ses romans. Et on n’en ressort pas indemne.

Ma Chronique

Fidèle à son habitude Cédric Cham nous en met plein la tronche avec son dernier roman. On ne pourra pas lui reprocher de nous avoir pris par surprise, le titre et la couv’ annonçaient en effet la couleur. N’empêche qu’on referme le bouquin en étant au bord du KO.

Le gars n’a aucune pitié, dès le premier round il monte à l’assaut ; à peine le temps de comprendre ce qui nous arrive et nous voilà plongés dans un océan de noirceur. Du noir bien épais et visqueux, qui vous colle à la peau, au cœur et aux tripes, vous vrille les nerfs et vous fout des bleus à l’âme.

En moins de 300 pages Cédric Cham nous livre une intrigue parfaitement aboutie, maîtrisée jusque dans le moindre détail. Pour que la sauce prenne, l’auteur se transforme en sniper littéraire, s’il économise les mots et les tournures de phrases, il fait implacablement mouche à tous les coups. Il nous touche directement là où ça fait mal, là où ça nous parle. Une plume d’une redoutable efficacité qui brille par un minimalisme savamment dosé.

Ajoutez à cela des chapitres courts qui alternent entre une numérotation classique (chapitre 1, 2, 3…) quand il s’agit de suivre Christo et une numérotation chronologique (jour 0, 1, 2…) quand c’est Mathias qui occupe le devant de la scène. Tout est fait pour aller à l’essentiel avec un maximum d’efficacité. Résultat des courses j’ai dévoré le bouquin quasiment d’une traite.

Une fois de plus l’auteur apporte énormément de soins à ses personnages, en fonction des besoins de l’intrigue il sublimera l’humanité de certains, comme un contrepoids à la noirceur absolue d’autres.

Ainsi Christo essaye tant bien que mal de composer avec les blessures de son enfance ; s’il se tient à l’écart des autres, ce n’est pas par indifférence, mais au contraire parce qu’il est tellement à fleur de peau que sa violence contenue peut rejaillir face à la moindre injustice.

De son côté Mathias a été complètement formaté et déshumanisé par des années de dressage intensif. N’ayant appris à vivre et à s’exprimer que par la violence, il est socialement inadapté.

J’ai assez vite subodoré le lien entre Christo et Mathias, toutefois il m’aura fallu attendre le chapitre 13 pour la présomption devienne une certitude (la suite me donnera raison).

Salomé de son côté est l’atout charme du roman (mais loin d’être cantonnée à un rôle de godiche ou de faire-valoir), elle aussi a connu un parcours plutôt chaotique et n’est pas encore au bout de ses peines. Elle aimerait réussir à percer la carapace dont s’entoure Christo… sans savoir ce à quoi elle s’exposerait alors.

Si chez eux on discerne encore un soupçon d’espoir et plus ou moins d’humanité, comme une loupiote vacillante dans l’obscurité ambiante, chez d’autres c’est le noir absolu qui règne. La quintessence du mal étant en sans aucun doute Vadine, le geôlier/dresseur de Mathias.

Puis il y a Ringo, le fidèle compagnon de Christo. Certes c’est un chien, mais il n’en reste pas moins un personnage à part entière du roman. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé cette grande complicité entre l’homme et l’animal ; deux âmes (et j’emmerde bien profond ceux qui prétendent que les animaux n’ont pas d’âme) brisées qui se sont trouvées au bon moment.

Une fois de plus Cédric Cham a su viser juste me concernant, impossible de ne pas attribuer un coup double (coup de cœur / coup de poing) à ce roman. Une fois de plus j’en ai pris plein la gueule… et j’en redemande !

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Cédric Cham – Le Fruit De Mes Entrailles

AU MENU DU JOUR

C. Cham - Le Fruit De Mes Entrailles

Titre : Le Fruit De Mes Entrailles
Auteur : Cédric Cham
Éditeur : Jigal
Parution : 2018
Origine : France
280 pages

De quoi ça cause ?

Simon Vrinks purge une peine de prison pour plusieurs braquages. Un détenu sans histoire jusqu’à ce qu’il apprenne, par son ex-compagne, que leur fille, Manon, a été assassinée. Il décide alors de s’évader pour retrouver et éliminer les coupables.

Amia est une jeune femme tombée entre les griffes d’un sordide réseau de prostitution. Elle s’était résignée à son triste sort jusqu’à ce qu’elle découvre qu’elle était enceinte. Pour elle il n’y a plus qu’une issue possible : la fuite.

Alice Krieg est flic en charge de l’enquête sur l’évasion de Vrinks. Une jeune femme solitaire qui se donne à fond pour son boulot ; sauf que le coeur n’y est plus vraiment depuis qu’elle sait qu’une tumeur pousse en elle.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’ai découvert Cédric Cham avec Des Barbelés Sur Le Cœur, son précédent roman, un bouquin qui m’avait pris aux tripes de la première à la dernière page.

Un changement d’éditeur (il a quitté Fleur Sauvage pour rejoindre Jigal) et un nouveau roman plus tard, il me tardait de déguster le cru 2018… en espérant qu’il n’ait perdu si sa noirceur, ni son punch.

Ma chronique

Il y a bien longtemps que je ne prête plus vraiment attention aux bandeaux qui figurent sur la couv’ des bouquins, mais je dois toutefois reconnaître que ces trois mots « Noir et sauvage » ont eu le don de titiller ma curiosité. Restait à découvrir si le ramage se rapportait au plumage…

Et la réponse est oui, Cédric Cham est bel et bien une grande plume de la littérature policière francophone. Il n’a pas à rougir face aux grands noms du genre (je pense notamment à Maxime Chattam Franck Thilliez ou encore Jean-Christophe Grangé).

Si les intrigues de Cédric Cham sont moins denses que celles de certains de ses pairs, je peux toutefois vous assurer qu’elles sont tout aussi intenses. Comme dirait l’autre, ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Ou encore (mais là je crains que ce soit pure invention de ma part) : ce n’est pas la longueur du manche qui fait la qualité de l’outil… Voilà, voilà, ça, c’est fait !

Un roman qui doit énormément à ses personnages. À commencer par Vrinks, ancien caïd du grand banditisme qui purge sa peine sans faire de vagues, tant et si bien qu’il y a de fortes chances qu’il bénéficie d’une libération anticipée. C’est la mort violente de sa fille qui le poussera à s’évader sans délai, mû à la fois par une forte envie de justice et de vengeance, mais aussi par un profond sentiment de culpabilité et d’échec…

C’est au cours de sa cavale qu’il croisera la route d’Amia, une jeune prostituée qui fuit son passé pour essayer d’offrir une vie meilleure à l’enfant qu’elle porte.

Ensemble ils vont pénétrer dans un univers de plus en plus sordide où règnent les plus bas instincts du genre humain. Un monde où tout s’achète, même l’humain devient une simple marchandise dont l’acheteur peut disposer à sa guise.

De l’autre côté de la barrière, il y a Alice, lieutenant à la BRF (Brigade de Recherche des Fugitifs), une jeune femme solitaire qui se donne cœur et âme à son job ; sauf que le cœur n’y est plus trop depuis qu’elle a appris qu’elle a une tumeur. Et pourtant elle sait qu’elle ne doit rien lâcher dans le dossier Vrinks…

D’autres personnages gravitent autour de nos trois héros. Ainsi Vrinks et Amia pourront compter sur le soutien indéfectible de Angelo, un ami fidèle qui ne manque pas de ressources, mais aussi un bonhomme haut en couleur. Quant à Alice, elle bénéficie de l’appui sans faille de son groupe, à commencer par son adjoint, Ibar.

Des personnages à la fois forts et fragiles, Cédric Cham à un incroyable talent pour faire ressortir le côté humain de ses personnages. Même quand ce ne sont pas de blanches colombes, on ne peut que ressentir une profonde empathie pour eux.

L’auteur nous plonge dans le vif du sujet d’entrée de jeu, en quelques chapitres (aussi courts que percutants) le décor est planté et les acteurs en place. Action ! Et le moins que l’on puisse dire c’est que ça ne manquera pas d’action, c’est à peine si on a le temps de reprendre notre souffle entre deux scènes. Cédric Cham nous prend aux tripes et nous les vrille jusqu’au clap de fin.

Le bandeau nous vendait du noir et du sauvage, je peux vous assurer que la promesse est largement tenue et que le bouquin va même bien au-delà. L’intrigue est parfaitement maîtrisée, il n’y a pas grand-chose à ajouter et pourtant j’aurai aimé quelques chapitres de plus… juste pour profiter de la compagnie de Vrinks, Amia et Alice, même si faire un bout de chemin avec eux n’est pas de tout repos et peut s’avérer nerveusement éprouvant.

MON VERDICT
Coup de poing

[BOUQUINS] Nils Barrellon – La Lettre Et Le Peigne

AU MENU DU JOUR


Titre : La Lettre Et Le Peigne
Auteur : Nils Barrellon
Editeur : Jigal
Parution : 2016
Origine : France
296 pages

De quoi ça cause ?

Jacob Schmidt, un modeste bassiste dans un groupe de jazz, est violemment agressé alors qu’il rentre chez lui. Deux hommes cagoulés se jettent sur lui et tentent de l’enlever, les kidnappeurs sont mis en fuite par l’approche d’une patrouille de police.

Face à l’incrédulité de sa petite amie et de la police, il décide de mener sa propre enquête afin de comprendre le pourquoi du comment de cette agression…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça fait un moment que j’ai envie de découvrir l’univers littéraire de Nils Barrellon.

Je cherchais un one-shot, j’avais deux titres à ma disposition, les deux m’attiraient autant l’un que l’autre. C’est le hasard qui a désigné l’heureux élu.

Ma chronique

Ah que voilà un bouquin difficile à présenter en quelques mots ! Il faut dire, à ma décharge, que l’intrigue nous fait voyager dans le temps (entre 1945 et 2012) en faisant fi de toute chronologie. L’intrigue se déroule en grande partie en Allemagne, mais aussi en France, avec quelques détours par la Suisse.

Ca pourrait sembler un tantinet chaotique vu comme ça, mais, même si les liens entre les différents pans de l’intrigue ne se mettent pas tout de suite en place, Nils Barrellon reste maître de son récit et parvient rapidement à ferrer le lecteur. Et une fois l’hameçon mordu il devient rapidement impossible de lâcher prise.

Un roman qui propose un habile mélange des genres même si le fond reste assurément thriller (surtout que le rythme va crescendo au fur et à mesure que les différentes pièces du puzzle s’assemblent). Vous aurez aussi le droit à un voyage à travers l’Histoire allemande (du point de vue de personnages allemands) essentiellement de 1945 (et la « libération » de Berlin par les forces russes) à nos jours ; en passant bien entendu par l’explosion du pays entre RDA et RFA et sa capitale séparée, d’abord seulement administrativement (et idéologiquement) puis par le Mur de Berlin, l’effondrement du bloc de l’Est suivi par celui du mur en question… pas franchement les heures les plus glorieuses du XXe siècle !

Une intrigue intergénérationnelle puisque l’on suivra tour à tour, Anna, Josef (fils d’Anna) et Jacob (fils de Josef). Des personnages forts et attachants ; tous trois sont non seulement liés par les liens du sang, mais aussi par une mystérieuse lettre, objet de bien des convoitises.

Et le peigne alors, me direz-vous ? Il est volé au Musée Historique allemand, les voleurs ont tué un gardien de nuit pour accéder à ce fameux peigne. Buter un mec pour un peigne, faut être un peu con, non ? Bon déjà à la base pour buter un mec (hors situation de défense) il faut être un peu beaucoup très con. Le fait est que, en l’occurrence, il ne s’agit pas de n’importe quel peigne, la chose aurait appartenu à un certain AH.

Aaaah, OK… mais quel rapport entre cette lettre et ce peigne ? Heu… tu veux pas non plus que je te raconte tout le bouquin, non ? Si tu veux le savoir tu prends le livre et tu le lis, tu verras tu ne le regretteras pas…

Force est de reconnaître que Nils Barrellon est un excellent conteur. Non seulement il maîtrise à la perfection une intrigue qui pourrait rapidement partir dans tous les sens, mais en plus il ne ménage pas ses lecteurs, proposant de nombreux revirements de situation (parfois assez prévisibles, mais toujours bien amenés).

Un premier bémol sur les personnages de Gottfried et Mickaël, les tueurs qui traquent Jacob. J’ai eu beaucoup de mal à les trouver crédibles tant ils accumulaient les clichés. Par moments j’avais l’impression de voir les deux vieux du Muppet’s Show.

Mon second bémol sera pour la fin (après la découverte de la lettre), que j’ai trouvée un peu abrupte. Peut-être est-ce aussi dû au regret de quitter des personnages que j’ai pris plaisir à découvrir et à suivre au fil des pages.

Une belle découverte (lue quasiment d’une traite) qui m’incite à me pencher davantage sur l’univers de Nils Barrellon. Ca tombe bien j’ai encore quelques titres en stock…

MON VERDICT