[BOUQUINS] Isabelle Villain – Game Over

Une vieille dame meurt écrasée sous les roues d’un bus. Un nouveau fait divers dans les rues de Paris. Cependant, d’autres « accidents » sont rapidement à déplorer, laissant présager que ces tragiques événements ne sont que les prémices d’un sombre dessein.

Le groupe de Lost se retrouve à la tête d’une affaire qui va bousculer toutes ses certitudes.

Comment résister à un duo de choc qui a déjà fait ses preuves ? Le binôme constitué des éditions Taurnada et d’Isabelle Villain est une mécanique bien rôdée.

Bonus non négligeable : ce roman est aussi l’occasion de retrouver le groupe De Lost dans une sixième enquête.

Je remercie les éditions Taurnada et la plateforme Net Galley Pour leur confiance renouvelée.

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé Rebecca De Lost et son groupe de la Crim’. Le roman s’ouvre sur un fait-divers presque banal, une vieille dame poussée sous les roues d’un bus. Il va rapidement s’avérer que cet acte n’est pas isolé et semble faire partie d’un plan machiavélique que déroule deux tueurs.

Difficile de s’épancher sur les thématiques abordées par l’intrigue sans prendre le risque d’en dire trop. Le Groupe De Lost va se retrouver confronté à deux tueurs qui frappent à l’aveugle et ne laissent aucune trace derrière eux. Mais les enquêteurs – et nous aussi du coup – sont loin d’imaginer les nombreuses ramifications de cette affaire.

Comme si cela ne suffisait pas, Rebecca va aussi devoir composer avec une succession qui va révéler de sombres secrets qu’elle aurait préféré ignorer. Elle va devoir apprendre à vivre avec cette nouvelle réalité surgie du passé.

Vous l’aurez compris ce nouvel opus est davantage centralisé sur le personnage de Rebecca De Lost. Les autres membres de son groupe ne sont pas pour autant sur la touche, eux aussi ont leur histoire personnelle qui évolue mais ça tend à rester en second plan.

Isabelle Villain maîtrise totalement son intrigue, nul doute que vous serez surpris – voire choqué – par certains retournements de situation.

La fin peut laisser un arrière-goût d’inachevé un tantinet amer, mais c’est justement cet aspect de l’intrigue qui contribuera à un tournant décisif pour Rebecca.

C’est la quatrième enquête du Groupe De Lost que je lis (j’ai raté les deux premières), j’ai apprécié de voir évoluer un groupe soudé malgré les coups durs – personnels et professionnels –, les nouveaux venus sont immédiatement intégrés à cette dynamique collective. Isabelle Villain parvient à nous livrer des enquêtes policières particulièrement complexes sans jamais négliger le côté humain de ses personnages.

Game Over. Et maintenant ? L’avenir nous le dira. Une seule certitude, je serai fidèle au poste pour le prochain roman de l’auteure.

[BOUQUINS] George Orwell, Fido Nesti – 1984

Au Ministère de la Vérité, Winston Smith réécrit l’Histoire. Adapter le passé afin de ne pas contredire le Parti, tout faire pour préserver le règne et les ambitions de Big Brother, voici les missions de cet homme dont la soif de révolte grandit pourtant jour après jour.

Mais sa liberté de penser pourrait lui coûter la vie, car la menace est permanente au cœur de cette tyrannie de la surveillance qui ressemble étrangement à notre société contemporaine…

J’ai lu 1984 il y a de longues années et très franchement je n’en garde pas un souvenir impérissable, flippant certes mais parfois chiant. Peut-être est-ce le fait d’un manque de maturité (j’étais ado, pour vous dire que ça ne date pas d’hier), et / ou d’une traduction un peu datée.

Il faut dire que le roman de George Orwell, sorti en 1950, a longtemps connu une seule traduction française, celle d’Amélie Audiberti. Il faut attendre 2018 pour qu’une nouvelle édition, traduite par Josée Kamoun, donne un nouvel élan au roman. Par la suite, six autres traductions seront proposées au public entre 2019 et 2021.

À la suite de la bascule du roman dans le domaine public (2020 ou 2021 selon les réglementations en vigueur), 1984 connaîtra cinq adaptions en roman graphique :

  • Ed. Grasset, 2020 – Adapté et dessiné par Fido Nesti
  • Ed. Sarbacane, 2021 – Adapté et dessiné par Xavier Coste
  • Ed. Soleil, 2021 – Adapté par Jean-Christophe Derrien et dessiné par Rémi Torregrossa
  • Ed. Michel Lafon, 2021 – Adapté et dessiné par Frédéric Pontarolo
  • Ed. du Rocher, 2021 – Adapté par Sybille Titeux de la Croix et dessiné par Amazing Améziane

J’ai quatre de ces adaptations en numérique alors pourquoi avoir choisi précisément celle de Fido Nesti ? Sans doute le fait que ce soit la première à avoir été publiée a joué dans mon choix, mais c’est surtout le fait que je possède aussi la version papier qui aura été décisive ; du coup je vais profiter de mes congés pour me replonger dans l’œuvre de George Orwell (pour l’anecdote la version française repose sur la traduction de Josée Kamoun).

En refermant ce bouquin je suis sur le cul, cette lecture a été une véritable redécouverte du roman de George Orwell. J’ai pris en pleine gueule toute la noirceur du récit et surtout j’en suis presque arrivé à ressentir physiquement cette sensation oppressante qui se diffuse de la première à la dernière page.

Il faut dire que le dessin de Fido Nesti, bien qu’usant d’une palette de couleurs relativement réduite, est criant de vérité et colle parfaitement à l’intrigue.

Je reconnais volontiers que cette redécouverte n’est sans doute pas le seul fait du roman graphique, j’ai bon espoir d’avoir gagné en maturité avec les années (je n’irai pas jusqu’à dire que, comme le bon vin, je me bonifie au fil des ans). Enfin la touche de modernité apportée par la traduction de Josée Kamoun a très certainement contribué à l’efficacité de l’ensemble.

Bien que paru en 1950, le roman reste malheureusement d’actualité. Fido Nesti étant brésilien et ayant travaillé sur cette adaptation alors que son pays était sous le joug de Bolsanaro, est bien placé pour le savoir.

Je ne suis pas maso, mais je reconnais volontiers que je suis friand de ce genre d’uppercut littéraire.

Ne négligez pas l’appendice consacré aux Principes du Néoparler, selon certains (dont Margaret Atwood, excusez du peu) il peut être considéré comme la véritable conclusion du roman. Ce qui, par son style narratif, apporterait une lueur d’espoir dans cette dystopie plus obscure que le trou du cul de Dark Vador !

Peut-être vous demanderez-vous pourquoi avoir attendu aussi longtemps (j’ai acheté le bouquin à sa sortie) avant de le lire. Contre toute attente c’est la lecture de La Librairie Des Livres Interdits de Marc Levy qui aura été le déclic. 1984 figurant justement parmi ces livres interdits.

[BOUQUINS] Marc Levy – La Librairie Des Livres Interdits

Mitch, libraire passionné, est arrêté un matin pour un crime impensable : il a transgressé la loi en vendant des livres interdits.

Après cinq années de prison, il n’a qu’un désir, retrouver sa liberté et sa librairie. Mais le destin en décide autrement. Le même jour, Mitch croise le procureur qui l’a fait condamner et rencontre Anna, une jeune chef qui pourrait bien être la femme de sa vie.

Que faire quand on est pris entre une irrépressible envie de vengeance et une irrésistible envie d’aimer ? Peut-on rêver d’un avenir sans s’être acquitté du passé ?

Parce que c’est Marc Levy, une raison suffisante pour moi.

Cerise sur le gâteau, son nouveau roman s’annonce comme une ode à la littérature et à la liberté d’expression.

Marc Levy ne donne aucune indication géographique ou temporelle permettant de situer l’intrigue de son nouveau roman. On sait simplement qu’il s’agit d’un état dirigé par un gouverneur qui ne se soucie guère des libertés individuelles et des droits de l’homme. Son crédo serait plutôt la pensée unique, et pour l’imposer rien de tel que d’instiller la peur – des autres, de la différence – dans l’esprit de ses concitoyens.

Il vient justement de faire promulguer une nouvelle loi – HB 1467 – visant à interdire purement et simplement la commercialisation des livres jugés contraires à la « bienséance ». Une censure totalement assumée, appliquée d’une main de fer par les autorités.

L’auteur invite ses lecteurs à découvrir comment Mitch, jeune libraire passionné, aidé par des amis aussi passionnés et motivés que lui, va tout mettre en œuvre pour contourner cette loi sans toutefois se mettre en danger.

L’occasion de découvrir les différents acteurs de cette résistance littéraire. Mitch, bien entendu, Mathilde, une étudiante exaltée, M. Verner, un professeur de musique coincé dans une vie qui ne lui apporte rien et Mme Ateltow, l’ancienne professeur de lettres de Mitch.

Les choses ne se passeront pas exactement prévu, Mitch va, au terme d’un simulacre de procès, se retrouver condamné à cinq années d’emprisonnement.

Sa libération et la réouverture de sa librairie, seront l’occasion de faire plus ample avec un personnage brièvement croisé auparavant, Anna, une jeune femme au passé trouble qui souhaite ouvrir son restaurant.

Comme à son habitude, Marc Levy, apporte un soin tout particulier à sa galerie de portraits. Même les personnages secondaires, tel que l’ignoble procureur Salinas, bénéficient de la même attention.

L’intrigue en elle-même, ainsi que les échanges entre les personnages, font office d’une véritable ode à la littérature dans toute sa diversité. En défendant les livres, l’auteur dénonce la censure et prône la liberté de penser et de s’exprimer. Le message peut paraître simpliste mais il est porté de façon convaincante.

A la fin du roman Marc Levy nous apprend (en tout cas me concernant) que cette loi HB 1467 n’est pas une invention de sa part. Elle a bel et bien été votée par l’État de Floride afin de bannir les ouvrages «  subversifs » des bibliothèques scolaires. D’autres états (à majorité républicaine, sans surprise) ont suivi le mouvement.

Parmi les auteurs visés par cette censure, on retrouve aussi bien des classiques (George Orwell, Ray Bradbury ou encore John Steinbeck) que des auteurs plus contemporains (Margaret Atwood, Jay Asher, Toni Morrison).

Bref, la réalité risque bien de dépasser la fiction… et ça fait franchement froid dans le dos !

[BOUQUINS] Caryl Férey – Magali

Février 2021, Magali Blandin disparaît. Un mois plus tard, son cadavre est découvert dans le bois de Boisgervilly (Ille-et-Vilaine), à proximité de son domicile.

Mère de quatre enfants, Magali a été assassinée par son mari. Le couple était en instance de divorce.

Magali Blandin avait quitté son mari en septembre 2020.

Très honnêtement je ne saurai vous dire pourquoi j’ai tilté sur ce bouquin en particulier.

Sans doute parce que Caryl Férey est un gage de qualité, même s’il est bien loin de son registre habituel en se penchant sur un féminicide survenu là où il a grandi. Sans doute aussi parce que le féminicide me débecte au plus haut point.

J’ai toujours été friand de ces émissions de télévision consacrées à des affaires criminelles, depuis déjà quelques temps, quand je suis à l’appart l’après-midi je zappe entre Chérie25 et son programme Snapped ou la chaîne Crime District. Selon les reportages abordés et les rediffusions du moment…

J’ai aussi pas mal de bouquins en stock sur cette thématique, mais comme toujours le manque de temps – et accessoirement de motivation – me transforme en lecteur procrastineur.

Parmi les affaires criminelles qui m’enragent, les féminicides tiennent le haut du pavé. Comment un déchet (à ce stade ça ne mérite pas de s’appeler un homme) peut en arriver à tuer sa femme ? Qui plus est souvent dans des conditions particulièrement sordides.

J’avoue que je n’ai gardé aucun souvenir de cette affaire, ce n’était malheureusement qu’un féminicide de plus – de trop – parmi tant – trop – d’autres. Même si, au fil des découvertes faites par les enquêteurs, l’affaire va se révéler encore plus macabre qu’elle ne s’annonçait.

Je m’attendais à une véritable démarche d’enquête et d’analyse des faits par Caryl Férey, au lieu de ça il se contente de reproduire des extraits d’articles de journaux, qu’il complète par des réflexions personnelles ou des souvenirs de ses jeunes années à Monfort-sur-Meu qui n’ont rien à voir avec l’affaire. Dans le dernier chapitre nous avons même le droit à ses réflexions de bobo-gauchisant sur l’actualité du moment. Un cadeau dont nous nous serions volontiers passés.

Autre petit bémol de pure forme, j’ai du mal à comprendre l’intérêt de l’auteur à affubler ses interlocuteurs de sobriquets ridicules. Qu’il ne nomme pas sa sœur peut encore se comprendre, mais des journalistes et des avocats franchement ça fout un coup à la crédibilité.

Hormis les faits concernant l’affaire à proprement parler, le reste fait surtout penser à du remplissage pour meubler et arriver au nombre de pages escompté. Ce n’est pas inintéressant comme lecture mais j’espérais mieux et surtout beaucoup plus approfondi.

Du coup je comprends mieux la colère de la famille de Magali Blandin à la suite de la sortie du bouquin. Ils reprochent à l’auteur, d’une part de ne pas avoir été consultés, mais aussi et surtout, ne voient pas en quoi il rend hommage à Magali.

Leur avocat, Maître Pineau, ne mâche pas ses mots :

Quant au meurtrier, que je ne nommerai pas afin de le priver d’une humanité dont il n’est pas digne, il n’a pas eu le courage d’affronter la justice pour répondre de ces actes. Sa lâcheté l’a poussé à se suicider en prison. Ses géniteurs, eux aussi impliqués, ont suivi le même chemin.

Un foutu gâchis et les vies de quatre gamins brisées à jamais.

[BOUQUINS] Jo Nesbo – Le Téléphone Carnivore

Richard Elauved, quatorze ans et mal dans sa peau, est recueilli, après la mort de ses parents, par son oncle et sa tante dans une petite ville où il s’ennuie ferme, ne fréquentant que Tom, bègue et moqué de tous.

Le jour où ce dernier se volatilise, on accuse Richard de l’avoir poussé dans la rivière. Personne ne le croit quand il raconte que le téléphone de la cabine publique où il avait entraîné son camarade pour faire des blagues a dévoré l’oreille, puis la main, le bras et… le reste du corps de Tom. Personne sauf l’énigmatique Karen, qui l’encourage à mener une investigation jugée superflue par la police.

Envoyé en centre de redressement, Richard réussit à s’enfuir avec la complicité de jumeaux maléfiques et aboutit à un manoir abandonné dans la forêt, où se succèdent des phénomènes paranormaux qui semblent tous dirigés contre lui.

Je suis fan de Jo Nesbo et, bien entendu, de son personnage fétiche de Harry Hole. Point de Harry dans le présent roman – laissons le savourer un repos bien mérité avec son précieux Jim Beam –, l’auteur vient surprendre ses lecteurs en s’essayant à la littérature horrifique.

Si on m’avait dit qu’un jour Jo Nesbo allait se frotter à la littérature horrifique, qui plus est à de l’horreur façon série B (voire Z) qui connut ses heures de gloires dans les années 80, j’aurai sans doute ricané en secouant la tête devant une telle aberration (oui, je sais, j’aurai eu l’air très con). Et pourtant, c’est chose faite avec Le Téléphone Carnivore.

Commençons par le visuel avec une couv’ délicieusement kitsch et tape à l’œil qui n’est pas sans rappeler la cultissime collection Gore des éditions Fleuve. La quatrième de couv’ est tout autant racoleuse (quoiqu’un peu trop disserte)… Ça promet !

Reste à savoir si le ramage se rapporte au plumage.

Dès les premières pages on peut d’ores et déjà affirmer que oui. Tous les ingrédients du genre sont là, un ado mal dans sa peau au passé tourmenté et sa bonne copine compréhensive qui veut l’aider, des scènes horrifiques bien détaillées riches en hémoglobine, un scénario qui part un peu dans tous les sens, faisant fi de la cohérence et de la vraisemblance… On plonge de plein pied dans un récit délicieusement régressif (pour les anciens qui ont connu cette littérature des années 80).

Que les choses soient claires, n’espérez pas le grand frisson et les sueurs froides, à moins d’être un ado prépubère en mal de sensations fortes. Comme souvent avec ce genre de romans, nous sommes davantage dans le divertissement horrifique qu’autre chose, il manque une réelle dimension psychologique pour que la peur vous prenne aux tripes.

Les personnages, adolescents comme adultes, font souvent un peu clichés mais ça colle parfaitement au contenu. Des ados un peu paumés (outre Richard, on peut aussi citer Tom et Jack), d’autres imbus d’eux-mêmes, sûrs de leur prétendue supériorité (la palme revient ici à Oscar), sans oublier l’énigmatique Karen, la seule qui semble disposée à croire Richard. Des adultes plutôt incrédules (à l’image de Frank et Jenny, les parents adoptifs de Richard), d’autres franchement soupçonneux (tels le sheriff McClelland ou l’agent Dale).

Si Jo Nesbo semble véritablement prendre plaisir dans ce nouveau registre inattendu, il reste toutefois le maître du jeu et va finalement rebattre les cartes de son récit dans la dernière partie du roman. À l’image du Canada Dry, il ne faut pas se fier aux apparences. Certains regretteront sans doute cet ultime revirement, les plus rationnels seront plutôt soulagés… Pour ma part je suis mi-figue mi-raisin, certes j’aurai aimé que le final soit à l’image du reste du bouquin, mais le choix de l’auteur s’inscrit dans une certaine logique.

Un titre qui n’aurait pas dépareillé dans la défunte collection Gore, une collection et un genre que les éditions Faute de Frappe se font un plaisir de remettre en avant. Il n’en reste pas moins que Jo Nesbo rafle la mise avec son pari un peu fou, force est de reconnaître que j’en suis le premier surpris.