[BOUQUINS] David Vann – Désolations

D. Vann - DésolationsAprès la monumentale claque que fut Sukkwan Island il me tardait de me plonger dans le second roman de David Vann, Désolations, je l’ai donc commandé via France Loisirs et je peux enfin m’y plonger tout en ayant bien conscience que je retrouverai sans doute pas la même intensité que dans Sukkwan Island. Bien entendu cette lecture ne s’inscrit pas dans mon « voyage au pays du thriller », mais comme c’est un bon vieux livre papier ça ne compte pas (comment ça mon excuse est bancale ? Non mais, c’est moi qui les règles du jeu).
Gary et Irene sont mariés depuis 30 ans, retraités et parents de deux enfants désormais adultes ils semblent ne pas avoir accompli grand chose de leur vie. C’est alors que Gary décide de construire une cabane en rondins sur un ilot inhospitalier. Convaincue que son mari s’apprête à la quitter, Irene, malgré des maux de tête incapacitants, décide de le suivre dans ce projet qu’elle juge pourtant absurde mais qui tourne vite à l’obsession pour Gary. Mais l’isolement et une météo de plus en plus hivernale n’aideront pas à souder le couple, ce sont au contraire les rancoeurs et non-dits qui referont surface…
On retrouve le même style minimaliste et sans fioriture qui se concentre sur l’essentiel, à savoir le devenir d’un couple en dérive et de ceux qui les entoure (leurs deux enfants et leurs partenaires). Mais c’est bien là le seul point commun avec Sukkwan Island, même l’environnement y est moins hostile. Ca ne foisonne pas d’action (loin s’en faut) et pourtant on ne s’ennuie pas une minute tandis que l’auteur nous fait partager le quotidien et les pensées de ses personnages. C’en est presque jubilatoire de voir la haine s’installer progressivement entre Gary et Irene, n’y voyez pas là un plaisir sadique, c’est juste la plume de David Vann qui excelle à alourdir le climat sans concessions, ni parti pris.
Si Gary et Irene sont d’accord pour dire qu’ils n’ont pas vécu la vie qu’ils espéraient chacun en rejette la faute sur l’autre, d’abord en ruminant ses regrets dans son coin, puis peu à peu en se les balançant à la gueule de plus en plus crûment. Il n’y a aucune violence physique mais parfois les mots peuvent faire plus de mal qu’une gifle, et avec le temps le mal se gangrène dans le coeur et l’esprit, la rancoeur, poussée à son paroxysme, ne peut que déboucher sur une issue fatale. Et c’est le cas ici, on devine que ça finira mal et l’on regarde le couple s’enfoncer jusqu’au point de non retour, jusqu’à l’irréparable.
Si le bouquin est moins « dérangeant » et moins « percutant » que Sukkwan Island il n’en reste pas moins agréable à lire, comme pour son prédécesseur à éviter toutefois en période de blues à l’âme…

Goodbye Emmanuelle

Sylvia Kristel (1952-2012)Je suis loin d’être un adepte des rubriques nécrologiques aussi je réserve ce genre de post à des personnalités dont le décès à un impact émotionnel personnel.
Sylvia Kristel, née en 1962 à Amsterdam, restera pour beaucoup l’interprète d’Emmanuelle dans le film homonyme réalisé par Just Jaeckin en 1974 (et ses suites en 1975 et 1977) ; outre sa plastique ce sont aussi sa candeur et son innocence qui séduiront la gente masculine et inscrira le film dans les annales du cinéma. L’actrice est décédée le 17 octobre à l’âge de 60 ans, elle était dans le coma depuis juin 2012 suite à un AVC et c’est donc telle la Belle au Bois Dormant qu’elle quittera ce monde, vaincue par une récidive d’un cancer de la gorge.
Cela peut paraitre cruel de résumer la carrière d’une actrice en en seul rôle mais force est de reconnaître que c’est LE rôle qui marquera les esprits, même si elle ne s’est pas cantonnée au cinéma érotique et a tourné avec certains réalisateurs prestigieux(JP Mocky, Claude Chabrol, Roger Vadim pour ne citer qu’eux), ses autres rôles sont restés dans l’ombre d’Emmanuelle. Si vous voulez en savoir plus sur le parcours professionnel et personnel de Sylvia Kristel je vous invite à visiter la page que Wikipedia lui consacre. L’on y fait quelques découvertes étonnantes :
– On pourrait avoir tendance à classer l’actrice comme « potiche » mais ce serait une sacrée erreur, avec un QI de 165 elle damnerait le pion à plusieurs d’entre nous sur bien des questions,
– Il aura fallu trois assauts de La Faucheuse pour terrasser Sylvia Kristel ; en 2002 elle a été soignée pour un cancer de la gorge et en 2004 pour un cancer du poumon, sans compter qu’elle s’est sortie de la spirale infernale de l’alcool et de la drogue.
– Elle a renoué avec la gloire en tant qu’artiste peintre
Pour en revenir à Emmanuelle, le film, il ne faut pas oublier qu’il est lui même adapté du roman homonyme d’Emmanuelle Arsan (pseudonyme de l’épouse d’un diplomate français) publié en 1959 et dont la réputation sulfureuse doit beaucoup au succès du film (en plus de son interprète principale). Le film lui même a bien failli subir les foudres de la censure à l’époque (merci au gouvernement Giscard, moins coincé de la braguette que celui de Pompidou), s’il n’est pas le premier film érotique réalisé, loin s’en faut, il est incontestablement celui qui ouvrira la voie royale au genre… Force est de reconnaître que s’il devait sortir aujourd’hui il passerait quasiment inaperçu, je suis même quasiment certain qu’il n’écoperait pas de l’interdiction aux moins de 18 ans (c’est justement l’une des forces du film : son esthétisme, on suggère plus que l’on montre).