AU MENU DU JOUR
Titre : Morgane Pendragon
Auteur : Jean-Laurent Del Socorro
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2023
Origine : France
368 pages
De quoi ça cause ?
An 601. Île de Bretagne. Depuis la mort d’Uther Pendragon, souverain du royaume de Logres, aucun héritier n’est monté sur le trône. Pour cela, il faudrait réussir à extraire l’épée du défunt monarque, enchâssée dans la pierre. À l’aube de ce nouveau siècle, les prophètes en sont pourtant persuadés : un nouveau roi va naître. Le puissant Merlin a la certitude qu’il s’agit de son protégé, le jeune Arthur, mais c’est Morgane, la fille cachée d’Uther, qui s’empare de l’épée. Réussira-t-elle à faire face aux guerres, aux intrigues et aux trahisons, et à s’imposer comme une souveraine légitime ?
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Parce que j’ai trouvé l’idée de réécrire la geste arthurienne au féminin était un pari plutôt audacieux. Du coup j’étais curieux de découvrir la légende morganienne.
Ma Chronique
J’avoue ne connaître de la geste arthurienne que les grandes lignes, mes classiques sur le sujet se résument à la série et au film Kaamelott. Pas sûr que la vision d’Alexandre Astier soit des plus rigoureuses.
Cette lacune n’est pas un problème pour aborder le roman de Jean-Laurent Del Socorro, au contraire ! Oubliez tout ce que vous savez – ou croyez savoir – l’auteur nous offre une réécriture de la légende, une revisite au féminin pouvait sembler un pari audacieux, voire même un peu fou. Un pari qu’il remporte haut la main !
Déjà l’auteur fait la part belle aux personnages féminins. Pas seulement via le personnage de Morgane qui va se retrouver reine de Logres et par extension reine de Bretagne (même si ce titre n’est jamais évoqué). Là où la légende dresse une table ronde exclusivement masculine, Jean-Laurent Del Socorro opte lui pour la mixité. Une place qui s’affirmera au fil des chapitres, les personnages féminins jouant souvent un rôle essentiel dans le déroulé de l’intrigue.
En revanche force est de reconnaître que le terme « messoeur » adopté par l’auteur comme pendant féminin de « messire », pique les yeux et fait saigner les oreilles.
De fait cela impose de réinventer le destin de certains personnages masculins, à commencer par Arthur mais c’est surtout le personnage de Merlin qui verra son rôle complétement réécrit. Un choix qui pourra surprendre mais s’avérera finalement en totale adéquation avec l’intrigue imaginée par l’auteur.
Une intrigue qui devra jongler entre les impératifs militaires, politiques, religieux et même sentimentaux (hé oui, même au cœur du tumulte et des intrigues, l’amour aura son mot à dire). Toutes ces dimensions sont parfaitement dosées et mises en scène par Jean-Laurent Del Socorro.
Sans oublier le fer de lance d’un récit de fantasy, la magie. C’est le royaume de Galles et son Roi Pêcheur qui feront souffler un vent mystique et magique sur le récit. En plus des personnages maîtrisant les arcanes magiques, nous croiserons quelques créatures magiques, parfois bienveillantes, parfois nettement plus hostiles.
De la première à la dernière page du roman l’auteur semble jouer avec les codes de la légende arthurienne. Il pioche des éléments incontournables de la geste mais leur attribue un nouveau rôle (ainsi Excalibur fera une son apparition que bien plus tard dans le déroulé de l’intrigue… à un moment où les cartes seront totalement rebattues).
Jean-Laurent Del Socorro donne un second souffle à une légende certes bien ancrée dans les esprits mais un tantinet poussiéreuse et presque machiste tant la place de la femme est reléguée au second plan. On se laisse bien volontiers entraîner dans cette revisite menée tambour battant qui vous réservera bien des surprises et des revirements de situation.
Pour sa narration l’auteur alterne entre les points de vue de Morgane et d’Arthur, des visions qui souvent se complètent mais parfois s’opposent. Morgane qui du jour au lendemain se retrouve propulsée sur le devant de la scène, devenant à la fois chef politique et chef de guerre. Arthur qui rêvait de grandeur mais verra son destin lui échapper en échouant à retirer l’épée d’Uther Pendragon.
Les personnages secondaires ne servent pas uniquement de faire valoir, à commencer par les Épées de Morgane, des chevaliers et chevalières qui formeront son conseil aussi bien politique que militaire. Mention spéciale à Guenièvre (qui trouve ici une place bien plus honorable que celle qui lui est donnée dans la série Kaamelott), Lancelot et son incroyable vanité mais aussi et surtout à Arcade, la barde chevalière.
Le Royaume de Bretagne réinventé par Jean-Laurent Del Socorro est certes rude – voire rugueux –, mais c’est aussi un modèle de tolérance où la parité hommes / femmes va au-delà des mots, où chacun est libre de vivre sa sexualité comme il/elle le souhaite, où les religions devraient pouvoir cohabiter en paix (du moins jusqu’à ce que les chrétiens viennent foutre la merde).
J’ai été totalement emballé par ce bouquin et le l’excellence de Jean-Laurent Del Socorro à nous immerger dans son récit. La geste morganienne n’a définitivement pas à rougir face à son illustre aîné.
MON VERDICT


