[BOUQUINS] Dan Smith – Le Village

D. Smith - Le VillageDifficile de ne pas succomber à l’appel des nouveautés quand il s’agit de piocher notre prochaine lecture, du coup les titres les plus anciens s’enfoncent encore un peu d’avantage dans les méandres de la PàL, jusqu’à disparaître dans les limbes de l’oubli. Heureusement de temps en temps une lecture commune permet à ces bouquins, injustement oubliés, de refaire surface. C’est ainsi que Le Village de Dan Smith a pu retrouver le chemin vers la lumière et arriver entre mes mains.
Hiver 1930. Vyriv, Ukraine. Lors d’une sortie chasse, Luka, un vétéran de la guerre civile russe, et ses deux fils tombent sur un homme à l’agonie, dans le chariot de l’homme deux enfants, morts, assassinés. Luka décide de venir en aide à l’homme, mais l’arrivée de cet étranger et des deux enfants morts dans le village ne va pas être sans conséquence au sein d’une communauté déjà menacée par l’arrivée imminente de l’Armée Rouge…
Avant de rentrer dans le coeur du sujet il me semble important de bien situer le contexte historique. Staline est aux commandes de la Russie, il impose sa vision d’un communisme déshumanisé, multipliant les chasses à l’homme pour X raison (opposants politiques, poètes, curés, intellectuels, propriétaires terriens… tout file dans le même goulag) et sa politique de collectivisation à tout bout de champs. Ceux qui vivent, ou plutôt survivent, dans les zones encore épargnées par sa tyrannie dévastatrice, savent que chaque jour les rapproche de l’inéluctable purge menée par ses troupes. Bref le climat idéal pour que la paranoïa règne sans partage.Et dire que aujourd’hui certains ukrainiens sont nostalgiques de la Russie, il doit vraiment leur manquer des neurones, à moins qu’ils n’aient abusé de vodka frelatée… C’est un peu comme si des polonais se mettaient à regretter l’Allemagne nazie.
Ensuite le décor joue aussi un rôle primordiale, l’hiver au fin fond de l’Ukraine c’est limite décor post apocalyptique tellement la nature est hostile. Bin oui n’allez pas croire que tout le bouquin se passe dans le village, assis au coin du feu… que nenni, direction la steppe enneigée pour une chasse à l’homme pour le moins éprouvante et riche en rebondissements..
Du coup forcément dans un contexte et un environnement pareil il n’y a pas d’autres choix que de s’endurcir pour survivre, Luka l’explique d’ailleurs fort justement à l’un de ses fils : « Les faibles femmes, chez nous, ça n’existe pas. Quant aux hommes d’ici, ils sont capables de transformer leur cœur en pierre. » Et en effet les personnages qui peuplent ce récit ne sont pas des pieds tendres, Luka n’échappe pas à la règle, il peut parfois se montrer dur même s’il essaye de rester humain et juste, en prise permanente avec son passé de soldat et les souvenirs qui le hantent.
Au cours de la traque chacun devient tour à tour chasseur et proie, mûs par une même détermination, survivre… et éliminer l’autre. Chaque fois qu’une embellie semble vouloir se pointer, c’est un autre cauchemar qui commence pour Luka.
Le choix d’un récit à la première personne nous plonge encore plus intensément au coeur de l’intrigue. Il faut dire que l’auteur n’y va pas de mains mortes quand il s’agit de jouer avec nos nerfs et nos émotions. Il m’a fallu un peu de temps pour entrer pleinement dans l’intrigue (on va dire les cinq premiers chapitres, sur les trente six que compte le bouquin) mais une fois ferré je n’ai lâché temporairement le bouquin qu’à regrets, n’ayant qu’un hâte : y retourner au plus vite.
Le Village (titre original The Child Thief) est le premier roman de Dan Smith traduit en français, un subtil mélange entre thriller, roman noir et roman historique hautement addictif. J’espère que ses autres titres seront bientôt disponibles en français, inutile de préciser qu’après un tel coup de coeur ma curiosité en alerte rouge…

[BOUQUINS] Stéphane Carlier – Les Gens Sont Les Gens

S. Carlier - Les Gens Sont Les GensLe bandeau « Le roman antidépresseur » attire tout de suite l’oeil du client errant dans sa librairie habituelle, une couv’ sans fioriture et une présentation qui attise la curiosité ; et voilà comment cette chronique est née. Ah oui, le bouquin s’appelle Les Gens Sont Les Gens et l’auteur Stéphane Carlier, il m’a été offert par ma mère.
Je vous propose la quatrième de couv’ non par flemme (quoique ?) mais parce qu’elle est efficace, exactement comme je les aime. Nicole Rivadavia est une psychanalyste parisienne de 57 ans au bout du rouleau. Foufou est un porcelet de six semaines enfermé dans une cabane au fin fond de la Bourgogne. Ce livre raconte leur improbable rencontre, et comment ils vont se sauver l’un l’autre.
Pour être tout à fait complet j’ajouterai que Nicole va ramener Foufou dans son appart parisien meublé façon bobo, je vous laisse imaginer le résultat… Ah oui tant vous y êtes essayer d’imaginer la cohabitation entre un porcelet et un chat ; le premier contact est hilarant.
Le bouquin se lit tout seul, pétillant, plein de fraîcheur c’est le genre de lecture idéale pour passer un bon moment sans se triturer les méninges. Beaucoup de sourires, quelques rires mais j’avoue que je m’attendais à quelque chose de plus déjanté ; toutefois je ne peux pas dire que j’ai été déçu, je sors de cette lecture avec un sourire béat aux lèvres. Merci Monsieur Carlier !
Je vous le conseille vivement en cas de coup de blues (vous verrez Foufou est aussi efficace et moins nocif qu’un Lexomil), ou encore après avoir lu un roman particulièrement éprouvant, ou tout simplement si vous cherchez une pause-détente… Une fois que vous l’aurez entamé vous ne pourrez plus le lâcher (d’autant plus qu’il est écrit gros et fait à peine 160 pages).
Si vous voulez avoir une petite idée sur la genèse du roman je vous invite à consulter le blog de l’auteur. Bien que me revendiquant carnivore parfaitement assumé (ce bouquin ne m’a pas converti au végétarisme) je persiste à penser que même les bestiaux d’élevage destinés à l’abattage méritent un minimum de respect, déjà que leur vie va se trouver brutalement abrégée autant la rendre aussi agréable que possible… Ah oui j’oubliais que ce genre de considération ne compte pas dans un monde régi par le fric et le profit…