[BOUQUINS] Cyril Carrère – La Colère D’Izanagi

Tokyo. Un incendie criminel ravage le cœur de l’un des plus grands quartiers d’affaires au monde.

L’enquête est confiée à Hayato Ishida, flic prodige mais solitaire qui tente de se reconstruire en marge de la Crim. Il est rejoint par Noémie Legrand, Franco-Japonaise décidée à briser les chaînes d’un quotidien frustrant.

Sur leur chemin, un couple d’étudiants dans le besoin, à la merci d’une communauté où solidarité rime avec danger.

Et, tapi dans l’ombre, celui qui se fait appeler Izanagi, bien décidé à mettre son plan destructeur à exécution.

Parce que le précédent roman de Cyril Carrére, Avant De Sombrer, m’avait fait forte impression.

Cyril Carrére vivant au Japon depuis quelques années, j’espérais une intrigue 100% nippone… mon vœu a été exaucé, je ne pouvais que succomber.

Cyril Carrére est certainement le plus japonais des auteurs francophones, installé au pays du soleil levant depuis 2018, la culture nippone n’a plus aucun secret (ou presque) pour lui. Avec ce roman l’auteur nous propose une vision démythifiée du Japon, loin des clichés idéalisés encore trop présents dans l’esprit de nombreux Occidentaux.

Le roman s’ouvre sur un incendie qui ravage la Velvet Tower, l’une des plus grandes tours de Tokyo. Certains détails ne manqueront pas de rappeler les attentats des Twin Towers aux États-Unis le 11 septembre 2001. La ressemblance s’arrête là, dans le cas présent pas d’acte terroriste, à charge pour la police de déterminer s’il s’agit d’un accident ou d’un acte criminel.

Je parie que vous aurez deviné que cet incendie n’a rien d’accidentel. Il n’est que le premier acte d’une mise en scène machiavélique qui se jouera en partie dans la face obscure d’internet, le Darknet.

Pour enquêter sur cette sombre affaire, Cyril Carrrère va jouer la carte du duo improbable. Dans le coin droit, Hayato Ishida, un policier brillant, mais un tantinet asocial et imbu de lui-même, atteint d’hyperosmie (une hypersensibilité de l’odorat qui lui permet d’identifier les différentes odeurs qui se mêlent dans les effluves qui l’environnent). Dans le coin gauche, Noémie Legrand, une franco-japonaise qui élève seule sa fille, douée d’une forte empathie et contrainte de composer avec le machisme de la société japonaise.

Parallèlement nous suivrons le parcours d’un couple d’étudiants, Kenta et Suzuka, licenciés à la suite de l’incendie de la Velvet Tower. Là encore nous aurons deux personnalités radicalement opposées, Suzuka est extravertie et avenante alors que Kenta est renfermé et agoraphobe.

Deux arcs narratifs dont le fil rouge est rapidement révélé, mais ce n’est là que la partie visible de l’iceberg. Nul doute que Cyril Carrére vous surprendra plus d’une fois au fur et à mesure qu’il déroulera son intrigue implacable.

J’ai beaucoup aimé le traitement des personnages, des personnalités contrastées, mais affirmées chacune à leur façon. L’évolution des relations entre les uns et les autres se fait naturellement au gré des évènements.

La construction du roman ne souffre d’aucun reproche, tout est impeccablement maîtrisé, l’auteur ne laisse rien au hasard. Le rythme aussi est savamment dosé, alternant les phases de relative tranquillité et celles qui nous plongent au cœur de l’action.

Une intrigue qui permet aussi d’avoir un aperçu de la mythologie japonaise à travers le personnage d’Izanagi. Bien que n’étant pas particulièrement japonophile, j’avoue que la mythologie japonaise titille ma curiosité depuis déjà quelques années… va falloir que je songe à me pencher sérieusement sur la question avant de sucer les pissenlits par la racine.

Si vous pensez que le scénario imaginé par l’auteur est totalement impossible, sachez qu’il s’inspire d’un fait divers bel et bien réel, certes les choses n’ont pas été aussi loin (heureusement), mais la criminalité organisée via le Darknet est une triste réalité. Au Japon ce phénomène porte même un nom : Tokuryu.

Dans ses remerciements Cyril Carrére laisse envisager un possible retour du duo formé par Hayato et Noémie, si tel était le cas je serais parmi les premiers à me ruer dessus. À vrai dire, en seulement deux romans, l’auteur m’apparait d’ores et déjà comme un incontournable du thriller francophone.