AU MENU DU JOUR
Titre : Le Silence Et La Colère
Série : Les Années Glorieuses – Livre 2
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2023
Origine : France
592 pages
De quoi ça cause ?
1952. François Pelletier s’est fait un nom à la rubrique faits-divers du Journal du soir, mais il voit plus loin pour son avenir en tant que journaliste. Une ambition qui pourrait bien être contrariée par la place de plus en plus grande que prend sa sœur, Hélène, au sein de la rédaction.
De son côté Jean entreprend de se lancer dans une affaire commerciale ambitieuse. Rongé par les doutes face à un défi qu’il n’est pas sûr de pouvoir relever, perpétuellement invectivé par une épouse plus acariâtre que jamais, il trouve du réconfort en présence de leur fille, Colette.
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Parce que c’est le second opus de la tétralogie Les Années Glorieuses de Pierre Lemaitre, malgré un premier tome, Le Grand Monde, un tantinet en deçà de la trilogie Les Enfants Du Désastre, on se laisse volontiers porté par le talent narratif de l’auteur.
Ma Chronique
C’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai retrouvé la famille Pelletier quatre ans après les événements racontés dans Le Grand Monde. Pierre Lemaitre poursuit son exploration des Trente Glorieuses en privilégiant les approches humaines et sociales plutôt que d’opter pour une vision strictement historique.
Il n’empêche que pour les besoins de son intrigue (« ses intrigues » serait plus approprié tant le roman est vaste) la fiction s’inspire de la réalité historique. Ainsi l’histoire du village de Chevrigny, condamné à disparaître à la suite de l’édification d’un barrage hydro-électrique, est une libre adaptation de celle du village de Tignes inondé en 1952 et reconstruit plus haut dans la vallée. C’est Hélène, envoyée sur place par son patron pour une série de reportages, qui nous fera vivre les derniers jours de Chevrigny.
C’est encore le personnage d’Hélène qui donnera à l’auteur l’occasion de se pencher sur la condition féminine au début des années 50. Enceinte « par accident », elle va faire le choix d’avorter. Un choix pénalement répréhensible et dont les conséquences peuvent parfois être dramatiques – voire mortelles – pour celles qui ne trouvent de personnel qualifié (médecin ou sage-femme) pour les assister.
Petit aparté historique et féminin si vous le permettez (d’ailleurs même si vous ne me le permettez pas, non mais, c’est chez moi ici). Il faudra attendre la fin de l’année 1967 pour que la contraception médicale (la pilule) soit légalisée… sur le papier, dans les faits le texte ne sera applicable qu’à partir de 1971. C’est la ténacité de Simone Veil – et d’autres avant elle – qui permettra de dépénaliser l’avortement en 1975, un droit élargi et simplifié au fil des années suivantes.
Les femmes sont à l’honneur dans ce roman… leurs combats surtout. Inutile de préciser qu’au début des années 50 il n’est pas question de parité, d’égalité professionnelle ou encore d’équité salariale (même si, aujourd’hui encore, dans de trop nombreuses entreprises ces notions demeurent très théoriques). C’est Jean qui va être confronté à la colère de ses ouvrières face à un gérant trop zélé et misogyne.
Je terminerai mon élan féministe par l’inénarrable et incontournable Geneviève, l’épouse de Jean. Si dans Le Grand Monde j’ai eu envie de lui foutre des baffes quasiment à chacune de ses interventions, cette fois on grimpe au niveau supérieur, ce sont des envies de meurtres qui me passaient par la tête. J’en venais franchement à espérer que les pulsions meurtrières de Jean se retournent contre elle… et Dieu sait qu’il ne manque pas d’arguments pour la zigouiller, un jury populaire pourrait même lui trouver des circonstances atténuantes !
De son côté François relance, au grand dam de son frère, l’affaire Mary Lampson. En parallèle il découvre peu à peu que la femme qu’il aime semble avoir un jardin secret bien plus vaste qu’il ne l’imaginait.
Et pendant ce temps-là, au Liban, Louis, le patriarche du clan Pelletier, se prend d’une soudaine passion pour la boxe. Au point de manager un jeune boxeur, ouvrier de la savonnerie, dont les victoires doivent plus à la chance qu’à de véritables talents pugilistiques.
Bien entendu ce roman vous fera aussi découvrir de nouveaux personnages, j’ai pour ma part eu un coup de cœur pour Petit Louis, un enfant du village de Chevrigny qui va se prendre d’affection pour Hélène. C’est aussi à Chevrigny que nous découvrirons Lambert, un jeune correspondant de presse chargé d’assister Hélène, et Destouches, ingénieur chez Électricité de France chargé de superviser l’évacuation / expulsion des villageois. Un village condamné qui va fortement intéresser le très zélé inspecteur Palmari qui fait de la traque aux médecins avorteurs et autres faiseuses d’anges une affaire personnelle.
Retour à Paris où j’ai eu un faible pour Nine, la très secrète fiancée de Philippe. Ne vous fiez pas à son air effacé, la jeune damoiselle ne manque ni de caractère ni de détermination.
Comme vous pouvez le constater ça part dans tous les sens mais sans jamais embrouiller le lecteur. Pierre Lemaitre tient fermement les rênes de son roman et nous entraîne sur des pentes dûment choisies au rythme adapté à l’intrigue. Selon les situations le ton se fera tantôt sérieux, tantôt plus léger.
Avec ce roman, le formidable talent narratif de Pierre Lemaitre fait mouche, il mène la danse en véritable chef d’orchestre virtuose. Inutile de préciser (mais je le fais quand même) que j’ai déjà hâte de retrouver le clan Pelletier pour la suite de leurs aventures.
Et pendant ce temps-là, tout va bien pour ce brave Joseph…
MON VERDICT

J’ai adoré ce tome 2 ♥️. Geneviève est un personnage génial qui suscite tellement d’émotions ;-).
Tête à claques comme pas possible mais sans elle la saga Pelletier n’aurait pas la même saveur 🙂
J’avais eu du mal avec le premier qui m’avait joué les montagnes russes, tant certains passages m’avaient emportés et d’autres, ennuyés…
Alors, comme je ne suis pas en public, je me tâte… :p
Je l’ai trouvé plus intéressant que le premier… si ça peut influer sur ton tâtage 😀
Ah, oui, ça influence fortement ! :p