[BOUQUINS] Gillian Flynn – Nous Allons Mourir Ce Soir

G. Flynn - Nous allons mourir ce soirEn découvrant un nouveau titre de Gillian Flynn au catalogue 2016 des éditions Sonatine ma face a dû afficher un sourire béat… et sans doute un peu idiot ! D’autant plus que le titre était plutôt prometteur : Nous Allons Mourir Ce Soir. Avec trois romans à son actif non seulement l’auteure signe un sans faute mais en plus son écriture et ses intrigues se magnifient d’un titre à l’autre. Elle a en effet placé la barrer très haut avec son premier titre, Sur Ma Peau, pour flirter avec l’excellence avec son troisième en dernier titre en date : Les Apparences.
Bref, tout ça pour vous dire que j’attendais un nouveau roman avec impatience… et donc que je suis un peu tombé des nues en apprenant que Nous Allons Mourir Ce Soir était une nouvelle ; quatre ans d’attente pour 72 pages à se mettre sous la dent. Haut les coeurs, on y croit quand même !
D’entrée de jeu on peut dire que Gillian Flynn nous surprend, sa narratrice (qui restera anonyme tout au long du récit) commence en effet son histoire de façon assez abrupte : « Si j’ai cessé de branler des mecs, ce n’est pas parce que je n’étais pas douée pour ça. J’ai cessé de branler des mecs parce que j’étais la meilleure. »
Vous vous demandez peut-être comment on devient branleuse professionnelle… exactement comme on devient serveuse ou cadre supérieur : « J’avais répondu à une petite annonce pour un boulot de réceptionniste. En fin de compte, « réceptionniste », ça voulait dire « pute ». » Pas vraiment une vocation mais il faut bien faire bouillir la marmite : « Franchement, je préférerais être bibliothécaire, mais je m’inquiète pour la sécurité de l’emploi. Les livres, ça pourrait bien être temporaire ; les bites sont éternelles. »
Bon admettons, mais alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? « J’ai abandonné parce que, quand vous pratiquez 23 546 branlettes sur une période de trois ans, le syndrome du canal carpien, ça devient une réalité. »
Forcément avec ce genre de travail de proximité, notre narratrice a eu le temps de développer un certain talent, non seulement pour astiquer les manches, mais aussi pour lire en ses interlocuteurs comme dans un livre ouvert. Afin de ménager son poignet, fragilisé par ce travail manuel de haute précision, elle décide tout naturellement de se lancer dans la voyance (non je n’ai pas dit que toutes les voyantes ont commencé par tâter des paires de couilles avant de passer aux boules de cristal).
Désolé pour cette longue ouverture, mais il fallait que je montre à la hauteur de ce que propose ce petit bijou qu’est Nous Allons Mourir Ce Soir. On entre véritablement dans le vif du sujet quand notre voyante de pacotille (non je n’ai pas dit que toutes les voyantes étaient de pacotille… arrêtez de m’interrompre à tout va) rencontre Susan Burke, une riche bourgeoise qui semble avoir quelques soucis avec son beau-fils et/ou leur nouvelle maison. Du coup notre voyante se verrait bien dans la peau d’un exorciste (non… je ne dirai rien sur les exorcistes) ; mais elle ignore dans quel merdier elle vient de s’engager…
Avec cette nouvelle Gillian Flynn réussit un véritable tour de force mêlant humour, cynisme, manipulation, mensonge et bien des questionnements dans un condensé hyper addictif. Et c’est bien là mon seul et unique regret, je reste persuadé que l’auteur avait matière à étoffer certaines transitions (format oblige l’histoire prend parfois des raccourcis un peu abrupts) et l’ensemble de son récit afin d’en faire un (excellent) roman. Peut être pas un truc de 500 pages mais bien 250 / 300 pages… voilà qui aurait comblé plus d’un lecteur, même si je suis parfaitement conscient que ça ne demande pas la même somme de travail pour l’auteure.
Il n’en reste pas moins que cette nouvelle est une réussite, un véritable plaisir à se laisser emporté par un tourbillon dont on a du mal à discerner le vrai du faux (qui manipule qui ? d’où vient la menace ? Miles ou Susan ? les deux hypothèses sont plausibles). L’auteure s’offre même le culot de ne pas totalement lever le voile sur ces interrogations, la fin ouverte laisse au lecteur le soin de se faire sa propre opinion. Et le pire c’est que ce n’est pas frustrant, au contraire on se prend volontiers au jeu (quitte à relire certains passages afin de vérifier quelques détails troublants).
Nous Allons Mourir Ce Soir brille par son originalité et mérite amplement le Edgar-Allan-Poe Award remporté en 2015 dans la catégorie meilleure nouvelle (pour la petite histoire en 2016 c’est la nouvelle Necro de Stephen King qui a remporté ce prix).

MON VERDICT
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