Tête à tête (virtuel) avec Frédéric Clémentz

Mes chroniques des romans de Fred :
Le Serment Du Passeur
Le 13e Cantique

Bonjour Fred.

Merci d’avoir accepté de te prêter à ce tête-à-tête virtuel.

Question rituelle pour commencer. Peux-tu te présenter en quelques mots et nous expliquer comment tu en es venu à l’écriture ?

J’ai 35 ans. Je suis blogueur, auteur et entrepreneur.

L’écriture de romans est arrivée comme une évidence. Je veux dire par là que beaucoup d’articles sur mon premier blog « Écrire et s’enrichir » étaient déjà conçus comme de petits scénarios. J’ai aimé partager ces informations concrètes. Et puis, derrière ces choses rationnelles que je proposais, mon imaginaire, lui, « travaillait » pour me diriger vers autre chose. De fait, un jour de novembre 2015, j’ai publié un article : « Faut-il tuer les petits garçons qui ont les oreilles cassées ? » Il a rencontré une belle audience. Ce jour-là, comme un déclic, j’ai eu envie d’écrire l’histoire d’un jeune homme malentendant. Je n’avais aucun scénario mais je savais que j’allais écrire mon premier roman. Six mois plus tard, « Le Serment du Passeur » sortait sur Amazon avec un beau succès.

Tu es un auteur indépendant, auto-édité, est-ce un choix délibéré ou plutôt une fatalité ?

C’est un choix totalement assumé pour une raison essentielle : aujourd’hui, l’auto-édition est un formidable moyen de faire entendre sa voix. C’est très motivant de savoir que l’on peut toucher des gens grâce à ce principe du livre numérique. Il faut savoir que le nombre de manuscrits reçus chaque année par les maisons d’édition traditionnelles est vertigineux. Votre chance d’être publié est donc infime. Aussi, devant cette saturation de manuscrits qui s’empilent chez les éditeurs (lesquels publient très rarement un auteur inconnu ou même peu connu), quelqu’un de consciencieux, bosseur et déterminé peut, grâce à l’auto-édition, se faire connaître.

Donc oui, être un auteur indépendant et auto-édité est, du moins pour moi, un choix totalement délibéré.

L’auto-édition peut parfois ressembler à un parcours du combattant, tu assures tout le travail en solo (de l’écriture à la mise en vente, en passant par la promo, le marketing…) ou tu bosses avec une équipe ?

Je suis de ceux qui pensent qu’on ne peut pas être efficace et compétent dans toutes les étapes qui jalonnent la vie d’un livre. Et puis, quelle sérénité d’être bien entouré. Pour cette raison je travaille avec des relecteurs, correcteurs, graphistes, une attachée de presse ou encore d’autres auteurs.

Dès ton premier roman, Le Serment du Passeur, j’ai été impressionné par ton style, on sent que tu écris avec le cœur, les tripes et l’âme ; est-ce ton style d’expression naturel ou le résultat d’un gros travail d’écriture ?

Le rapport émotionnel avec le lecteur est pour moi, la priorité absolue. Aussi, écrire avec le cœur et le ventre est capital mais à condition de canaliser ce qui va jaillir de soi.

C’est là que le gigantesque travail de l’écriture intervient. Finalement, écrire c’est vouloir gravir une montagne qui, souvent, nous paraît impossible à dompter. Donc, pour y parvenir, il faut marcher avec patience, précision, humilité. C’est un chemin initiatique l’écriture. On doit tomber, se relever, tomber à nouveau et repartir. C’est à ce prix-là que le texte va naître avec une colonne vertébrale. Sans cette colonne, le lecteur va se perdre et vous abandonner sur le bord de la route.

Déjà avec Le Serment, tu sortais des sentiers battus, avec Le 13e Cantique, tu vas encore plus loin ; pourquoi ce choix ?

Sortir des sentiers battus n’est pas, pour moi, un but en soi. Mon but, c’est d’essayer par le simple pouvoir de l’imagination de descendre, tel un spéléologue, au plus profond de l’âme humaine. Ou du moins, de l’idée que je m’en fais. C’est ce voyage-là qui m’intéresse. Un voyage d’explorateur, non de voyeur. Cette exploration des émotions me permet, bien sûr, d’inventer des histoires « connotées thriller psychologique ». Mais au-delà de la noirceur des personnages, cette exploration me fait aussi entrevoir la part de lumière cachée dans ces âmes dites irrécupérables. C’est cela que j’ai voulu raconter dans Le 13e Cantique. Alors oui, c’est un livre volontairement violent car il a en ligne de mire la rédemption, la tentative de rachat. Avant cette rédemption, suivre le chemin des ténèbres extrêmes est donc inévitable.

Question plus ou moins liée à la précédente, où puises-tu ton inspiration ?

C’est tout simple : en regardant notre monde (ou nos sociétés) et en l’écoutant. Un raconteur d’histoires est avant tout une éponge. Il s’imprègne de ce qu’il voit et entend.

Et c’est souvent impressionnant, déroutant, choquant. C’est aussi parfois sublime, et parfois terrifiant. J’utilise ici un cliché mais c’est vrai que chaque vie est, en soi, un roman. Je me contente donc de « cueillir » les émotions qui, chaque jour et partout, circulent autour de moi. Et puis, bien sûr, toute cette hémorragie d’informations à la télévision, dans la presse ou sur le Net est une source permanente d’inspiration. Lorsque j’ai « engrangé » une montagne de « bouts de vie », de visages, de comportements, alors commence le long et passionnant travail d’écriture.

Quand tu écris, comment se déroule une journée type pour toi ?

Avant d’écrire, j’ai souvent besoin de marcher sur un rythme assez soutenu pendant une heure environ. Ce « rituel », c’est comme si je massais mon cerveau avant l’effort. Après cette phase d’oxygénation des neurones, je m’enferme dans mon bureau. Là, j’écris pendant cinq heures, généralement l’après-midi. Pendant cette phase, j’écris beaucoup mais sans m’attacher au style. Je laisse seulement mon imagination galoper. À l’issue de ce travail, je sais que sur les 6 ou 7 pages écrites, seules 1 ou 2 seront conservées après relecture. Celle-ci intervient en soirée. Durant cette nouvelle phase de deux heures, je travaille aussi le style et « la vue d’ensemble » du texte. J’applique cette discipline de travail six jours par semaine.

As-tu déjà d’autres idées, plus ou moins abouties, pour tes prochains romans ?

Oui, absolument. J’écris actuellement un roman qui s’appellera « Le sang des Agriate », à paraître vers le mois de mars 2017. Cette histoire évolue dans l’univers de la satire, de la parodie et de l’humour noir. Nous sommes loin ici du Serment du Passeur et du 13e Cantique. On serait plutôt du côté des « Tontons flingueurs » et de ces ambiances délirantes à la Michel Audiard. Je trouve important de changer de couleur et de tonalité quand on écrit. Cela permet de découvrir et de faire découvrir d’autres routes, d’autres sensations.

Quelles sont tes références (auteurs et romans) en tant que lecteur ?

4 livres sont pour moi des références absolues tant ils sont fabuleusement écrits, et d’une puissance émotionnelle sidérante. Il s’agit de « Septentrion » de Louis Calaferte, « Bandini » de John Fante « La nuit, le jour et toutes les autres nuits » de Michel Audiard et « Le petit galopin de nos corps » d’Yves Navarre.

J’aime avant tout l’éclectisme dans mes lectures. Voici quelques auteurs que j’ai lus (et que je relis) avec gourmandise : Jean Giono, Frédéric Dard, Marguerite Duras, Fred Vargas, Jean Echenoz, Jules Renard, Henry Miller, les dialogues de films écrits par Michel Audiard…

Comme j’ai pris l’habitude de le faire lors de ces tête-à-tête, je te laisse le mot de la fin.

Mon mot de la fin, c’est déjà te remercier chaleureusement de m’avoir accordé cette tribune.

Ensuite, j’ai tout simplement choisi de faire parler cet écrivain génial qu’était Henry Miller. Ce qu’il écrit là est juste magnifique et tellement vrai : « Certains livres non seulement donnent une sensation de vie, entretiennent la vie, mais encore, à l’exemple de quelques rares êtres humains, augmentent la vie. »

Tout est dit, n’est-ce pas ?

 

Je profite de ce tête à tête pour remercier (encore une fois) Fred pour l’envoi de ses deux romans dédicacés.