Au programme du jour un roman post-apocalyptique semblable à nul autre, j’ai nommé Station Eleven d’Emily St. John Mandel.
L’humanité a quasiment était détruite par un virus dévastateur, les rares survivants sont regroupés en communautés plus ou moins organisées, plus ou moins grandes, parfois accueillantes et parfois hostiles. C’est dans ce décor que La Symphonie Itinérante, un groupe hétéroclite d’acteurs et de musiciens, circule de communauté en communauté, le temps d’une représentation…
La rentrée littéraire 2016 a été (et sera encore le mois prochain) particulièrement dense, afin de de rien oublier je m’étais dressé une liste de cibles privilégiées ; ne connaissant pas l’auteure et n’ayant pas été particulièrement attiré par sa couv’ ce titre est passé entre les mailles du filet… Heureusement au fil des sorties je montre beaucoup plus vigilant (et surtout plus curieux), c’est ainsi que ce roman a non seulement rejoint mon Stock à Lire Numérique, mais s’est aussi directement placé sur les hauteurs.
Comme annoncé en intro, si ce roman s’inscrit bel et bien dans le registre Science-fiction, option post-apocalyptique, il ne ressemble à rien de ce que j’ai pu lire jusqu’à maintenant (je n’aurai toutefois pas la prétention de m’affirmer expert en la matière). Il se dégage de ces pages une grande humanité, à prendre dans le sens noble du terme, sans sentimentalisme inutile et encore moins mièvrerie. Même dans les pires situations les personnages ne se résignent pas, ils gardent espoir et même foi en l’Humanité (avec un grand H pour marquer le coup).
L’autre force de ce roman est de proposer un scénario d’un réalisme glaçant, qu’il s’agisse de la pandémie à proprement parler, du déclin progressif de la civilisation ou des conditions de survie, tout est travaillé dans les moindres détails afin de sembler réel (même pas probable, mais bel et bien comme un futur possible). On en arrive vraiment à penser que si cela devait arriver alors tout se déroulerait comme décrit dans le bouquin… Un choix redoutablement efficace en terme d’addiction à l’intrigue, mais qui fait froid dans le dos quand on s’attarde un peu sur le sujet.
Au fil des chapitres on voyage dans le temps, tantôt avant la pandémie, tantôt après, avec comme fil rouge Arthur Leander, un acteur qui meurt sur scène en pleine interprétation du Roi Lear, alors que l’épidémie fait ses premières victimes. Tour à tour l’on suit Miranda, sa première épouse, Kirsten, une jeune actrice qui jouait avec lui dans Le Roi Lear et qui intégrera plus tard la Symphonie Itinérante ou encore Clark, un ami proche d’Arthur.
Le style et l’écriture de l’auteure ont quelque chose d’hypnotique, presque envoûtant, on est sous le charme des mots, sous le charme de l’intrigue. Nul besoin de nous imposer un rythme soutenu et des retournements de situation à tout va (il y en a tout de même quelques uns) pour maintenir le lecteur en haleine, on l’est presque naturellement, sans vraiment pouvoir expliquer le pourquoi du comment. La magie fonctionne, tout simplement.
Un bouquin de SF hors norme qui devrait séduire un public bien plus large que le seuls adeptes de récits post-apocalyptiques, et même des lecteurs réfractaires à la SF. Une belle découverte pour un bon et beau moment de lecture, un coup de coeur amplement mérité.
MON VERDICT


Morceau choisi
Nous nous lamentions sur la nature impersonnelle du monde moderne, mais c’était un mensonge, lui semblait-il ; le monde n’avait jamais été impersonnel. Il avait toujours existé une infrastructure, à la fois massive et délicate, de gens qui travaillaient tout autour de nous, dans l’indifférence générale – et quand ces gens cessent d’aller travailler, le système tout entier se trouve paralysé. Plus personne ne livre l’essence dans les stations-service, dans les aéroports. Les voitures sont immobilisées. Les avions ne peuvent pas décoller. Les camions restent à leur point de départ. Les villes ne sont plus approvisionnées ; les magasins d’alimentation ferment. Les commerces sont cadenassés, puis pillés. Plus personne ne vient travailler dans les centrales électriques ni dans les sous-stations, personne ne dégage les arbres tombés sur les lignes à haute tension.