[BOUQUINS] Beatrice Sparks – L’Herbe Bleue

B. Sparks - L'Herbe BleueComme d’hab j’aime me laisser promener au gré de mes humeurs et envies, d’un registre à l’autre, dans le choix de mes lectures. Aujourd’hui au programme un bouquin dont je n’avais jamais entendu parler avant de m’extasier devant La Faux Soyeuse d’Eric Maravélias. Certains comms, çà et là, faisaient référence à L’Herbe Bleue de Beatrice Sparks ; curieux que je suis il a fallu que j’aille jeter un oeil sur la chose.
Une ado de quinze ans tient son journal intime. Un déménagement, nouvelle maison, nouvelle école. Difficile de se faire de nouveaux amis. Mal dans sa peau. Un soir elle prend du LSD à l’insu de son plein gré. Le trip lui plaît. Pourquoi pas un joint ? Juste pour essayer. De fil en aiguille elle s’enfonce encore et encore…
D’abord publié anonymement en 1971, sous la forme d’un journal intime d’une ado qui sombre dans l’univers de la drogue, ce n’est que des années plus tard que Beatrice Sparks, une psychologue américaine, reconnaîtra en être l’auteur et l’avoir écrit en mixant plusieurs récits de ses patients. Elle publiera plusieurs autres journaux intimes abordant des sujets sensibles concernant les jeunes.
Une chose est certaine c’est vraiment écrit dans un style proche de l’adolescence (d’une ado qui sait écrire pas d’un pantin lobotomisé au langage SMS ou au wesh-à-gogo… Ah oui ça n’existait pas, normal) On partage les petits tracas propres à cet âge, du moins dans la première partie du journal. La gamine est parfois soûlante à se la jouer en martyre persécutée, pôv’ piti Caliméro ! Heu non… en fait en fait on a plutôt envie de la choper par le colback et de lui suggérer de se sortir les doigts du cul. Flashback : souviens toi de ta propre adolescence, ce n’est pas pour rien que l’on appelle ça l’âge bête ; toi aussi tu as dû être une tête à claques, même pour ceux qui t’aimaient, parfois (que celui ou celle qui a dit souvent se dénonce !). Zeeen !
Puis la came entre en jeu, sournoise, insidieuse, vénéneuse. Un trip au LSD qui lui fait côtoyer les étoiles, les tranquillisants le soir, les stimulants la journée, le speed… Entre juste pour essayer et trop tard j’suis accro, il n’y a qu’un pas, un tout petit pas que l’on franchit sans s’en apercevoir (« Tous les gosses stupides qui se figurent qu’ils peuvent simplement s’amuser à y goûter n’existent en réalité que d’une prise à une autre. Quand on a commencé, il n’y a plus de vie possible sans drogue, mais c’est une existence dégueulasse d’es­clave« ). Quant à nous, lecteurs, nous ne pouvons que suivre la descente aux enfers de cette gamine. On en arrive à espèrer, sans trop y croire, qu’elle verra enfin le bout du tunnel et se tira sans bobo de cet enfer (à ce titre j’aura apprécié une fin plus étoffée mais était-ce vraiment nécessaire ?).
L’auteure a pris le parti du journal intime pour pouvoir livrer un témoignage aussi proche que possible de la réalité, sans jugement, sans critique et sans solution miracle. Rien que les faits, bruts de décoffrage, avec des mots simples mais percutants. Entre moments de lucidité, de défonce et de manque. L’objectif avoué est simple : faire renoncer celui ou celle qui veut juste essayer. Et pour ceux qui ont déjà un pied dans la merde ? Soit c’est déjà trop tard, soit il faudra des méthodes plus radicales pour les sortir de là.
Pas aussi explosif que La Faux Soyeuse mais le public visé n’est pas le même, et de fait, le langage utilisé non plus. Une texte court (lu en une journée) et intemporel, à défaut d’avoir un but éducatif il peut se targuer d’être un bon outil de prévention, du coup ce bouquin qui devrait être obligatoire dans tout cursus scolaire (bin merde alors, c’est moi qui vient d’écrire ça ? Oui. Et je persiste et signe), presque un bouquin d’utilité publique. Et La Faux Soyeuse quelques années plus tard (on va dire Beatrice Sparks au collège et Eric Maravèlias au lycée), en guise de piqûre de rappel ! Si avec ça ton gosse à encore envie d’essayer, juste pour voir, alors noir c’est noir…

PS : pour la première fois je me suis autocensuré. A l’origine la dernière phrase de cette chronique était : Si avec ça ton gosse à encore envie d’essayer, juste pour voir, alors il ne reste que l’euthanasie comme option !