[BOUQUINS] Laurent Pépin – L’Angélus Des Ogres

AU MENU DU JOUR


Titre : L’Angélus Des Ogres
Auteur : Laurent Pépin
Éditeur : Flatland
Parution : 2021
Origine : France
102 pages

De quoi ça cause ?

Et si sa rencontre avec Lucy, une thanatopractrice anorexique et adepte d’une curieuse sorcellerie, pouvait enfin sauver le narrateur des Monstres qui le hantent…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est la suite de Monstrueuse Féérie, un roman totalement atypique qui nous offre une plongée en totale immersion dans une folie heureusement pas du tout ordinaire…

Ma Chronique

Avec Monstrueuse Féérie, Laurent Pépin nous proposait de découvrir un roman à nul autre semblable. Avec cette suite, l’auteur continue d’explorer les méandres de l’esprit dérangé de son narrateur.

Sans surprise on retrouve un cheminement de pensée très particulier, surtout quand il s’agit de réinterpréter certaines réalités. On découvre assez vite que les monstres de l’enfance du narrateur n’étaient que la partie visible de l’iceberg, au fond se cache un monstre plus redoutable et plus puissant que tous les autres réunis.

Un monstre dont il persiste à nier l’existence afin de se protéger (et se protéger de noirs souvenirs), mais aussi de protéger les autres. Et notamment Lucy, sa nouvelle amie, thanatopractrice de profession qui souffre d’une forme grave d’anorexie depuis la perte de son bébé (là encore il faut parfois savoir lire entre les lignes).

Un récit plus sombre que le précédent, dans lequel les souvenirs sont moins profondément enfouis sous diverses réinterprétations. Un récit noir mais plein de poésie dans sa narration (une poésie souvent sous acide mais une poésie toutefois bien réelle). Ne serait-ce que pour cet exercice stylistique aussi original que complexe, le roman de Laurent pépin mérite que l’on s’attarde sur lui.

Lucy veut libérer le narrateur de ses montres, le narrateur veut sauver Lucy de son anorexie. Leur complicité et leur amour peuvent-ils les libérer de leur passé et leur offrir un nouveau départ ? Ou, au contraire, est-ce que leur relation ne peut que leur être nuisible à tous les deux.

Les lecteurs qui ont réussi à ne pas s’enfuir devant le côté totalement atypique de Monstrueuse Féérie, retrouveront facilement leurs marques avec ce nouvel opus. Peut-être est-ce pour cela que le récit nous parait plus limpide, moins abscons.

La magie est toujours de la partie dans ce second roman, Lucy, anorexique le jour, se métamorphose en une ogresse affamée à partir de minuit. Mais même ces banquets gargantuesques ne parviennent à avoir raison du mal qui la ronge.

Laurent Pépin se questionne sur les dangers de la pensée unique, certes le raisonnement du narrateur s’applique à l’intérieur du centre psychiatrique dans lequel il est interné (même si à son niveau il se considère comme un « patient-salarié » du centre) ; il est toutefois aisé pour le lecteur de pousser la réflexion au sein de la société actuelle et son « bien penser » nauséabond.

Que ceux et celles qui n’ont pas accroché à Monstrueuse Féérie passent leur chemin, ce n’est pas ce roman qui les réconciliera avec la verve inimitable de l’auteur. Si vous n’avez pas eu l’occasion de le lire je vous invite à le faire avant de vous lancer dans cet Angélus Des Ogres. Pour ma part je ne regrette pas d’avoir répondu présent pour ce deuxième opus, et c’est avec plaisir que je serai au rendez-vous du troisième et dernier volume, Clapotille.

SI généralement je fuis comme la peste les bouquins reçus au format PDF, je reconnais que pour les textes courts je veux bien faire l’effort d’une conversion maison en epub. J’ai envoyé le résultat à Laurent Pépin, libre à lui (et à son éditeur) d’en faire ce que bon leur semble.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Laurent Pépin – Monstrueuse Féerie

AU MENU DU JOUR


Titre : Monstrueuse Féerie
Auteur : Laurent Pépin
Éditeur : Flatland
Parution : 2020
Origine : France
102 pages

De quoi ça cause ?

Quand un psychologue rencontre une Elfe dans le Centre psychiatrique où il travaille, il est persuadé que cet amour naissant permettra d’écarter les Monstres qui l’assaillent…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Quand Laurent Pépin m’a contacté via Facebook pour me proposer de chroniquer son bouquin, je n’ai pas hésité une seconde tant le truc semblait sortir des sentiers battus… J’aime les auteurs qui osent l’improbable, je ne pouvais décemment pas refuser sa proposition de lecture.

Ma Chronique

Si vous êtes de ceux et celles qui pensent que les psys sont aussi dérangés que leurs patient(e)s, ce n’est certainement pas ce bouquin qui vous réconciliera avec la profession.

Comme son narrateur, Laurent Pépin est psychologue clinicien, c’est peut-être un détail pour vous (mais pour moi ça veut dire beaucoup), mais ça apporte beaucoup à la lecture (et la compréhension… dans la mesure du possible) de savoir que le gars est en terrain connu quand il s’agit des dysfonctionnements divers et variés de l’esprit.

Force est aussi de constater que ce court roman ne ressemble à rien de connu, vous avez entre les mains un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) totalement inclassable. Un bouquin jouera avec vos émotions, parfois troublant (voire même dérangeant), souvent drôle (surtout pour les adeptes de l’humour noir) et toujours déconcertant.

Le récit s’articule suivant deux axes. Vous découvrirez ainsi la famille du narrateur telle qu’il la perçoit (et le moins que l’on puisse dire c’est que sa perception est un peu… spéciale). Puis son quotidien au centre psychiatrique où il travaille (et les « décompensations poétiques » de ses patients) et sa relation avec « son » Elfe (là encore, oubliez toute rationalité).

Au fil des pages, le narrateur vous invite dans son monde, une plongée intime au coeur de sa folie. Ça n’a parfois (souvent même) ni queue ni tête, mais une certaine poésie et une certaine harmonie se dégagent de ce récit débridé. À travers ses faiblesses et ses peurs, on devine la fragilité du narrateur et une humanité à fleur de peau.

Quand je dis que le récit peut parfois être dérangeant ce n’est pas tant par le contenu stricto sensu du texte, mais plutôt parce qu’on a l’impression de pénétrer au plus profond (voire de violer) l’intimité du narrateur.

Le lecteur sera libre d’apprécier le texte à plusieurs niveaux, soit le prendre au premier degré comme un vulgaire délire schizophrène d’un esprit dérange, ou se demander quelle est la dimension métaphorique du récit (quels éléments inventés renvoient à des événements réels survenus dans la vie du narrateur). De quoi s’arracher les cheveux si d’aventure vous étiez tenté de psychanalyser le narrateur.

En acceptant la proposition de Laurent Pépin je lui avais fait savoir que je ne m’engageais sur aucun délai compte tenu de l’ampleur de mon Stock à Lire Numérique. Ayant reçu le bouquin au format PDF j’ai décidé de le transformer en epub sur la lancée ; ce qui m’oblige à survoler le texte même si j’essaye d’éviter de trop m’en imprégner afin de l’apprécier pleinement à la lecture. Le peu que j’en ai vu en cours de conversion m’a donné envie d’en savoir plus.

Une expérience de lecture unique en son genre à laquelle j’ai totalement adhéré, le propos défie toute logique, mais la construction est intelligente. J’ai bien conscience que c’est un bouquin qui peut larguer certains lecteurs en cours de route, mais pour ma part je l’ai trouvé brillant aussi bien de par sa façon d’aborder son sujet, que de par les questions qu’il soulève chez le lecteur curieux.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Jean-Philippe Jaworski – Même Pas Mort !

JP Jaworski - Même pas mort !Au menu du jour un roman découvert grâce à un certain Book Club mal famé. La chose est française, issue de l’imagination de Jean-Philippe Jaworski et s’appelle Même Pas Mort !, premier opus de la trilogie (qui n’en sera pas vraiment une au final) Rois Du Monde.
Bellovèse et ses compagnons de voyage, le guerrier Sumarios et le barde Albios, voguent vers les inhospitalières Iles des Vieilles sur ordre du Grand Druide Comrunos. Bellovèse doit y consulter les oracles Gallicènes afin de comprendre pourquoi la Mort n’a pas voulu de lui alors qu’il a pourtant bel et bien été tué au combat. Malédiction ou bénédiction ?
La première chose qui frappe dans le roman de Jean-Philippe Jaworski est la richesse du vocabulaire utilisé et le grand soin apporté au style ; rien n’est laissé au hasard, tout est fait pour assurer au lecteur une lecture placée sous le signe du plaisir. Je ne vous cacherai pas qu’une telle richesse m’a tout d’abord surpris, puis m’a fait craindre pour le rythme et la fluidité. Craintes rapidement balayées, tout est pesé et mesuré pour un équilibre qui flirte avec la perfection.
La seconde surprise vient de la quasi-absence de contexte, l’auteur nous plonge au coeur de son intrigue sans vraiment prendre le temps de présenter l’univers qu’il souhaite déployer. Un univers dans lequel la fiction cohabite étroitement avec la réalité historique puisque le récit nous propulse au VIe siècle avant Jésus-Christ, au coeur des royaumes celtes, civilisation alors à l’apogée de sa gloire.
Point de fantasy sans apports surnaturels, me direz-vous. Bien d’accord avec vous, vous répondrai-je. Rassurez-vous le surnaturel et bien présent dans ce roman, mais une fois encore l’auteur ne laisse rien au hasard et puise dans la mythologie celtique afin d’intégrer une part de fantastique à son récit. On devine sans peine l’énorme travail documentaire auquel Jean-Philippe Jaworski a dû se livrer dans le but de produire un tout parfaitement cohérent. On est dans un roman de fantasy certes, mais de la fantasy quasi historique… et on s’y croirait vraiment !
N’allez surtout pas croire que Jean-Philippe Jaworski mise tout sur la rigueur historique, je pense que j’aurais l’affaire rapidement si tel avait été le cas, il s’autorise aussi certaine liberté, notamment quand il s’agit de donner la parole à ses personnages. Le langage est alors résolument moderne et pour le moins fleuri… mais bon nous sommes en présence de guerriers, pas de politiciens véreux (pléonasme ?) adeptes de la langue de bois.
Le récit se fait à la première personne, c’est Bellovèse lui-même qui nous conte son périple initiatique. Selon la légende, Bellovèse et son frère, Ségovèse, seraient à l’origine de l’extension des royaumes celtes au-delà des frontières de la Gaule ; la véracité historique de cette légende n’est toutefois pas avérée. Pour rebondir sur ma remarque précédente, une carte en début d’ouvrage aurait été un plus afin de suivre au mieux le périple de Bellovèse.
Un récit que se joue de l’ordre chronologique, se permettant un long retour en arrière afin que l’on apprenne par quelle succession d’événements Bellovése s’est retrouvé « même pas mort ». Un récit découpé en trois longues parties, pour ma part j’avoue que j’aurai apprécié que chacune de ces parties soit elle-même découpée en chapitres (ça facilite la navigation quand on passe d’un support à l’autre). Un bémol minuscule de pure forme, mais je tenais à le dire.
Ce roman reste une belle découverte en offrant non seulement un univers fantasy original mais aussi une écriture éblouissante. Il me tarde de découvrir la suite du cycle…
Et puisque je mentionne la suite, il est temps pour moi de revenir sur la notion de trilogie qui n’en est pas une. Initialement le roman était prévu en trois volumes, chacun correspondant à une période phare du récit (Même Pas Mort est ainsi rattaché à l’enfance des personnages). Toutefois, face au grand nombre de pages du second opus, Chasse Royale, l’auteur a opté pour un découpage en trois tomes (deux sont d’ores et déjà disponibles), préférant privilégier la qualité narrative plutôt qu’un quelconque impératif éditorial. A l’heure d’aujourd’hui, bien malin celui qui pourra dire sous quelle forme se présentera l’ultime opus, La Jument Verte.

MON VERDICT

Morceaux choisis

Qu’est-ce que la guerre ?
Laissons la parole à Bellovèse…

Qu’est-ce que la guerre ? Vos rhapsodes et nos bardes commettent la même erreur : ils ne chantent que les armes, les corps vigoureux, le tourbillon des mêlées, les larmes, les bûchers funéraires. Ils ne retiennent que l’anecdote. Entrer en guerre, c’est comme passer de l’autre côté. C’est gagner un monde voisin, familier et pourtant différent. C’est une pomme surie au milieu de fruits frais. C’est un univers bruissant de rumeurs, d’agitation et d’erreurs ; c’est l’émergence de fraternités factices et de haines irraisonnées. C’est un face à face avec des fantômes inconnus et fuyants. Des greniers abandonnés, des champs livrés aux herbes folles, la peur à chaque détour du chemin, parfois la mort sous la lance d’un ami, parfois la compassion dans le regard de l’ennemi. La guerre, c’est le désordre. C’est le mouvement.

Y’a pas à dire Tigernomagle, le roi des Lémovices, sait y faire pour haranguer les foules :

« La racaille, elle se croit forte ? Elle imagine qu’elle peut me la mettre bien profond ? On va leur montrer, à ces bâtards ! On va leur tomber sur la tronche ! On va leur casser les reins ! Ils veulent jouer à la guerre ? On va les défoncer ! Et quand ce sera fini, je suspendrai leur viande sur mes frontières ! Ils serviront de perchoirs à corbeaux ! »

Ca a quand même plus de gueule qu’un discours de Macron !

Suobnos, un vagabond qui ne manque pas de bon sens :

« Au monde, rien ne va de droit fil. Avez-vous déjà suivi un chemin qui vous mène tout droit à destination ? Avez-vous déjà descendu une rivière qui va se jeter tout droit dans la mer ? Avez-vous déjà vu la lune ou le soleil traverser tout droit le firmament ? Même les étoiles dansent de lentes farandoles. L’existence n’est qu’un immense canevas de lacets, de virages, d’embranchements et de méandres. Tout est capricieux et infléchi, et la vie entière est un entrelacs d’arabesques. Seuls les lances et les javelots sont droits…  Mais les lances et les javelots sont des instruments de mort. Eh bien, les histoires sont les reflets du monde, et une belle histoire gire et vagabonde. Il n’y a que les contes sinistres qui vont droit au but, comme un trait jeté pour tuer. »