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Titre : Le Diable Du Ciel
Auteur : Laurent Obertone
Éditeur : Ring
Parution : France
Origine : 2017
280 pages
De quoi ça cause ?
24 mars 2015. Un A320 de la compagnie Germanwings s’écrase dans les Alpes du Sud françaises. Un agent du BEA est dépêché sur place afin d’identifier les causes possibles de ce crash inexplicable.
Quand il apprendra que le crash est un acte volontaire du copilote, Andreas Lubitz, il va tout mettre en oeuvre pour essayer de comprendre le pourquoi du comment d’un tel acte. Il va ainsi mener une enquête approfondie, mais éprouvante…
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Bonne question. Le truc qui s’invite sans prévenir alors que je suis en pleine session de rattrapage de la Rentrée Littéraire 2018 (même si je sais pertinemment que je n’en rattraperai que quelques morceaux, condamnant les autres aux tréfonds de mon Stock à Lire Numérique), est justement arrivé ici un peu par hasard…
Ma chronique
Il y a encore quelques (pas si lointaines) années, j’aurai juré que le numérique ne passerait jamais par moi ! À ma décharge à l’époque numérique voulait dire format PDF… Le truc totalement inadapté à la lecture d’un roman. Puis est apparu l’epub qui m’a converti au numérique (comme dirait l’autre : il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis).
Aujourd’hui je ne lis quasiment que des ebooks (bin oui, pas de place pour la demi-mesure dans mon esprit tourmenté). Je pousse même le vice jusqu’à m’être fait la promesse de ne jamais débourser le moindre sou pour acheter un bouquin en provenance d’un éditeur n’offrant pas une alternative numérique. RING fait malheureusement de ces éditeurs réfractaires au numérique. Pour la présente chronique, je n’ai pas dérogé à ma promesse, c’est une succession de (heureux) hasards et un brin de motivation qui m’ont permis de lire ce bouquin au format epub.
Au fil de mes errances sur le net, je croise une version PDF du bouquin. Version non commerciale, plutôt genre brut de décoffrage suite numérisation maison. J’ai repris le même processus que celui utilisé pour lire Invasion (avec beaucoup plus de corrections à effectuer) pour pondre ma propre version epub du présent bouquin.
Je connaissais le Laurent Obertone comme essayiste (La France Orange Mécanique et Utoya) et comme romancier (Guerilla) ; pour ce Diable Du Ciel l’auteur combine les deux casquettes, s’il s’agit bien d’une oeuvre de fiction basée sur une triste réalité, c’est aussi le résultat d’un impressionnant travail documentaire.
J’ai d’ailleurs été surpris de voir que RING classait ce bouquin dans sa collection thriller, je le voyais comme un docu-fiction, mais au final je dois reconnaître qu’il est un mix réussi entre les deux : un docu-fiction qui se lit comme un thriller (même si on connaît déjà la fin de l’histoire).
Le récit nous plonge dans la peau du narrateur, un enquêteur du BEA qui veut essayer de comprendre l’incompréhensible, de donner un nom à l’innommable. Pour se faire, il doit cerner le personnage d’Andreas Lubitz, quitte à essayer de se mettre à sa place, de raisonner comme lui.
Comprendre n’est pas pardonner, il n’en sera d’ailleurs jamais question. Pas question non plus de chercher des excuses ou de quelconques circonstances atténuantes à Andreas Lubitz. Son geste est impardonnable, sa folie a provoqué la mort de 149 victimes innocentes, faisant de lui le plus meurtrier des tueurs de masse, doublé d’un assassin (le geste ayant, selon toute vraisemblance, été prémédité).
Le narrateur (tout comme l’auteur) construit sa réflexion autour de deux axes, le premier se concentrant sur la personnalité d’Andreas Lubitz, le second reconstituant les vols Düsseldorf-Barcelone (4U9524) et Barcelone-Düsseldorf (4U9525) ; ce dernier n’arrivera jamais à destination.
L’enquête démontrera que Andreas Lubitz n’aurait jamais dû être déclaré apte au poste de copilote, mais ses mensonges, non-dits et autres dissimulations lui ont permis d’éviter l’interdiction et d’obtenir sa licence de vol. L’auteur nous livre un portrait psychologique détaillé (et à charge) de Lubitz, assorti des réactions des interlocuteurs que le narrateur rencontrera au fil de son enquête (réactions extraites des différents rapports d’enquête).
La reconstitution du vol 9525 est glaçante de réalisme, on a vraiment l’impression d’être spectateur du drame qui se joue à l’insu de tous (du commandant d’abord, puis du personnel navigant et enfin des passagers). Suivra la prise de conscience progressive (dans le même ordre) que l’inéluctable est en train de se produire. Jusqu’à la perte de contact avec l’appareil quand il percute le flanc de montagne.
On aurait pu redouter une sensation de voyeurisme malsain, mais il n’en est rien. L’auteur évite cet écueil en misant avant tout sur le côté humain du drame.
Ne cherchez aucune dimension mystique dans le titre du roman, c’est la traduction littérale du pseudo utilisé par Lubitz pour se connecter à sa tablette (Skydevil).
Travail de relecture oblige j’ai dû lire le bouquin deux fois de suite (un premier survol, après travail sur le code, pour corriger les coquilles les plus évidentes, et une lecture plus attentive pour traquer les erreurs résiduelles), toujours avec la même intensité, incapable de le lâcher… presque malgré moi.
En fermant le bouquin, reste une question qui tourne en boucle : est-ce qu’on aurait pu éviter ce drame ? On a envie d’y croire, mais finalement ça reviendrait à pointer du doigt des éventuelles négligences ; réécrire l’histoire après coup est facile, pour ma part je pense que cette question est condamnée à rester sans réponse.