Histoire de rester dans le bain des tueurs en série un tantinet dérangés je me suis lancé dans la lecture de Au-Delà Du Mal, un pavé (pas loin de 900 pages pour l’édition Pocket) signé Shane Stevens. A la base j’avoue que je n’avais jamais entendu parler ni du roman, ni de son auteur, c’est Zofia (Revoir Un Printemps) qui m’a parlé du bouquin et, après quelques recherches, j’ai eu envie de découvrir ce qui semble être un incontournable du genre.
Thomas Bishop, enfant maltraité, tue sa mère à l’âge de 10 ans, visiblement perturbé, pour ne pas dire dérangé, il est interné dans un hôpital psychiatrique. Quinze ans plus tard, en juillet 1973, il s’évade grâce à un plan particulièrement élaboré (et un petit coup de pouce de la chance). Persuadé d’être le fils de Caryl Chessman, un braqueur/violeur exécuté en 1960, et convaincu que son père a été victime du système et des femmes il entreprend alors un périple meurtrier à travers les Etats Unis…
Avant d’aller plus en avant dans ma chronique je voudrais revenir sur le parcours atypique de ce roman et de son auteur. Publié en 1979, Au-Delà Du Mal, est considéré comme un des piliers fondateurs du genre (thriller mettant en scéne un tueur en série) mais malgré un succès incontestable Outre-Atlantique il faudra attendre 30 ans pour que le roman soit publié en français. Ce délai incroyablement long n’est pas dû à la frilosité des éditeurs français mais au fait que son auteur, Shane Stevens (probable pseudonyme), se soit subitement évanoui dans la nature au début des années 80 après avoir écrit 6 romans publiés entre 1966 et 1985. Les Editions Sonatine, à l’origine de la version française du roman, ont obtenu, après de longues recherches, l’accord de la fille de l’auteur ; et c’est ainsi qu’en 2009 les français peuvent enfin découvrir ce mythique thriller dans la langue de Molière !
L’auteur ne se contente pas de suivre le parcours sanglant de Bishop mais aussi de ceux qui gravitent autour de lui, la police bien entendu, un journaliste d’investigation qui recherche un scoop, un politicien qui fait de la défense de la peine de mort son cheval de bataille et même la pègre payée pour liquider le fugitif assassin ! C’est l’occasion aussi pour Shane Stevens de nous dresser un portrait sans concession des Etats-Unis des seventies (un portrait encore d’actualité aujourd’hui sur certains points).
Pour ne revenir au roman à proprement parler le style est volontairement épuré, entre journalisme (sans voyeurisme) et documentaire, un choix qui colle bien au récit et permet une immersion rapide au coeur de l’intrigue. Intrigue qui repose sur la dualité de Thomas Bishop, d’un côté il s’avère totalement inadapté à toute vie sociale (voire même à tout sentiment, sinon la haine) et fortement psychotique, et de l’autre il se fond dans la foule tel un caméléon, s’attirant même les bonnes grâces de ses futures victimes ; un curieux mélange de folie assassine et d’intelligence froide et calculatrice. A défaut d’être attachant le personnage est suffisamment intriguant pour que l’on s’y attarde, une personnalité aussi complexe tend à effacer quelque peu les autres personnages qui font office de figurants dans le récit sans que toutefois cela ne nuise au roman. Bref j’ai littéralement dévoré ce pavé sans jamais m’ennuyer, je ne peux que le conseiller à tous les amateurs de thriller, en le lisant ne perdez pas de vue que c’est ce titre qui a ouvert la voie à d’illustres successeurs…
j’ai beaucoup aimé, je trouve que ça a très bien vieilli (on ne voit pas qu’il a été écrit il y a longtemps!)
Tout à fait, le récit est totalement intemporel