Avant dernière étape de mon escapade entre les pages du catalogue des éditions Ombres Noires, mon choix s’est porté sur Marin Ledun et son dernier roman, En Douce.
14 juillet 2015. Simon est convaincu qu’il va passer une soirée d’enfer, il a en effet emballé une nana canon qui est très très entreprenante. Elle le persuade (sans mal) de la suivre dans son mobil-home, elle se déshabille et… lui tire une balle dans la jambe avant de le séquestrer. Pour Emilie l’heure de la vengeance a sonné, et elle compte bien en savourer chaque instant…
C’est le premier roman de Marin Ledun que je lis, et je peux d’ores et déjà affirmer que ça ne sera pas le dernier.
Un récit relativement court (250 pages) mais d’une intensité qui ne se relâche jamais. Emilie avait tout pour être heureuse jusqu’à une journée d’avril 2011 où un violent accident de la route lui vaudra d’être amputée de la jambe gauche. Pour la jeune femme il ne fait nul doute que l’unique responsable de son état et de toutes les merdes qui ont suivies est le conducteur du pick-up qui a percuté sa voiture : Simon. Marin Ledun nous plonge dans les méandres de l’esprit (tourmenté) d’Emilie en adoptant un récit à la troisième personne. Un regard extérieur sur une vue de l’intérieur, vous me suivez ? Ca tombe bien, moi non plus.
Un quasi huis-clos entre Mélanie et Simon, ponctué par les souvenirs de la jeune femme mais surtout une lutte intérieure entre ses certitudes qui deviennent des doutes avant de redevenir avec encore plus de force des certitudes. Surtout se persuader que si Emilie a tout raté c’est de la faute de Simon, pas seulement lui mais aussi la faute de tous les autres, et de la société aussi tant qu’on y est. Et elle ? N’aurait-elle pas aussi sa part de responsabilité ? Non ! Si ? Peut être.
Le flot des pensées d’Emilie n’est pas un long fleuve tranquille mais plutôt un torrent déchaîné tout en courants et contre-courants, en proie à bien des tourbillons. Et maintenant que Simon est à sa portée, que faire de lui ? Là encore elle est torturée par les contradictions, d’abord elle lui tire une balle dans la guibolle, ensuite elle se démène pour que la blessure se soigne au mieux (avec les moyens du bord). Et nous, pauvres lecteurs, sommes bringuebalés au gré de ses humeurs. Jusqu’au bout on se demandera comment tout ça va finir, de plus en plus convaincu qu’il la fin risque d’être des plus brutales. Et ? Et puis quoi encore ?
Que penser d’Emilie ? Au fil de ses humeurs on a parfois envie de la prendre dans ses bras pour la réconforter, et d’autre fois c’est l’envie de lui mettre des claques qui l’emportera. Personnellement j’ai surtout eu envie de lui dire d’avoir plus de considération pour elle, de se sortir les doigts du cul et de prendre sa vie et son destin en mains (après se les être lavées). Si tu ne veux pas de la pitié des autres, commence par cesser de t’auto-apitoyer ; jouer les Caliméro ne dure qu’un temps.
Un roman noir intensément psychologique ponctué par une critique sociale bien sentie (même si Emilie rejette la responsabilité de sa situation sur les autres et sur la société, tout ce qu’elle en pense n’est pas forcément dénué de bon sens).