[BOUQUINS] Franck Chanloup – La Reine Des Apaches

La vie de Mathilde Latrouvé débute par treize ans d’indifférence et de froideur. De l’orphelinat, dont elle finit par s’enfuir, elle ne garde que son surnom : la Rouquine. Dure à cuire et remarquablement intelligente, la gamine devient bientôt la meneuse d’une bande d’apaches : les Loups de la Butte.

Ces voyous parisiens vivent d’arnaques et de vols, mais ils ont du panache, des idées, et surtout, ils sont solidaires à la vie à la mort. Alors quand Mathilde subit la sauvagerie de Valentin, chef d’un gang de proxénètes, on peut être sûr que la vengeance des Loups sera aussi impitoyable que violente. Quitte à plonger Paris dans le chaos.

Parce que je connais et suis Franck, via Facebook et la blogosphère, depuis de longues années.

Parce que son précédent roman, Les Enchaînés, m’avait fait forte impression.

Je remercie Franck Chanloup et les éditions Au Vent des Îles pour l’envoi de ce roman en service presse. Désolé pour ce retour tardif mais l’actualité calédonienne, doublé du rush des fêtes de fin d’année, ont retardé la publication de cette chronique.

Quand Franck m’a annoncé la sortie prochaine de son second roman, je m’attendais à retrouver Victor et ses amis pour la suite des Enchaînés. Je mentirai en disant que je n’ai pas ressenti une petite – et très brève – pointe de déception en découvrant qu’il changeait totalement d’univers à l’occasion de ce nouvel opus. Pas question pour autant de renoncer à suivre Franck dans cette nouvelle aventure littéraire.

Si j’ai mentionné la brièveté de cette insidieuse pointe de déception, c’est parce qu’elle s’est envolée dès la lecture des premières pages du roman. En effet, afin de coller à ses personnages et à son intrigue Franck adopte l’argot de Paname pour donner vie à son roman. C’est un véritable bonheur pour les amoureux de la langue française, et force est de reconnaitre que ça a plus de gueule que le babillage djeun’s d’aujourd’hui.

Si la forme est bel et bien au rendez-vous, le fond n’est pas en reste. Nul doute que vous ne resterez pas indifférent face à ce groupe d’apaches que sont les Loups de la Butte, certes ce sont des voyous – et pas des tendres – mais ils s’efforcent de rester fidèle à leur ligne de conduite – hors des clous, mais avec des limites – et de garder un certain panache. Ce qui va devenir de plus en plus évident au fur et à mesure que vous croiserez leurs rivaux.

Franck accorde beaucoup de soins à ses personnages, chaque Loup aura ainsi sa propre personnalité et son propre parcours de vie. A commencer bien entendu par leur chef de file, Mathilde. J’avoue avoir eu un faible pour Gros-Louis et Matthias, le petit nouveau de la bande.

L’intrigue aussi est à la hauteur de nos attentes, un long prologue vous invite à suivre les débuts de Mathilde, puis vous découvrirez le quotidien des Loups, entre affrontements entre gangs, cambriolages et autres roublardises. Franck met l’accent sur la cohésion du groupe et l’esprit de solidarité qui prime entre eux.

La vie d’une bande d’apaches n’est pas un long fleuve tranquille, surtout quand leurs rivaux s’associent pour leur faire payer au prix fort leurs précédentes victoires. C’est là que l’intrigue va devenir plus noire, voire prendre parfois une tournure franchement dramatique.

Vous l’aurez compris, la lecture de ce roman vous fera passer par un large panel d’émotions, du rire aux larmes selon la formule consacrée.

Je ne peux conclure cette chronique sans saluer le formidable travail de documentation de Franck, nul effort à fournir pour faire un bond dans le passé et découvrir la ville de Paris au début du XXe siècle. Immersion réussie sans la moindre fausse note.

Même si la présente intrigue se déroule bien loin de la Nouvelle-Calédonie, Franck s’autorise un clin d’œil au Caillou dans son roman.

On a raté le coche pour partager une mousse en terrasse, maintenant que tu vogues sous d’autres cieux et une nouvelle aventure professionnelle, on aura du mal à rattraper le coup. Il n’en reste pas moins que je répondrais présent sans la moindre hésitation à l’occasion de la sortie de ton prochain roman.

Tête-à-tête virtuel avec Franck Chanloup

Bonjour Franck, merci d’avoir accepté de participer à ce tête-à-tête virtuel.

Question rituelle en guise de mise en bouche. Peux-tu te présenter en quelques mots et nous expliquer comment tu en es venu à l’écriture ?

Je m’appelle Franck Chanloup, j’ai 50 ans et je suis dingue de littérature depuis mon plus jeune âge.  Comme beaucoup, j’ai toujours rêvé d’écrire un roman, c’est une idée qui ne m’a jamais lâchée, jusqu’à ce que je me décide enfin à coucher sur le papier les histoires qui naissent dans ma tête. Je l’ai fait sur le tard, peut-être avais-je besoin de ressentir une certaine forme d’urgence pour y consacrer enfin du temps. Ces deux ou trois dernières années, j’ai écrit plusieurs romans, plutôt inégaux, c’est le moins que l’on puisse dire, et les enchaînés est mon premier roman édité.

Dans ton roman, Les  Enchaînés tu reviens sur une page peu glorieuse de l’histoire calédonienne avec le bagne. Un sujet longtemps considéré comme tabou, surtout par les descendants d’anciens bagnards. Pourquoi ce choix ?

Je vis en Calédonie depuis presque vingt ans, il me paraissait donc naturel d’écrire sur ma terre d’adoption. De plus, j’avais envie d’écrire un roman d’aventures, quelque chose de rythmé et cette période passionnante m’a paru tout à fait adaptée à ce projet.

Tes descriptions du quotidien des bagnards sont très crédibles, tu t’es beaucoup documenté sur le sujet avant de te lancer dans l’écriture de ton roman ?

Tout d’abord, il me semble important de préciser que je ne suis pas historien ni un spécialiste du bagne calédonien. Évidemment je me suis documenté, il a fallu de longs mois de travail et de recherches pour tenter de coller au plus près de la réalité de l’époque. Mais cela reste une fiction, pour être franc je suis beaucoup plus passionné par les mots, par le langage, que par l’histoire proprement dite.

Se faire éditer quand on réside en Nouvelle-Calédonie – et plus encore en contexte de crise sanitaire – parcours de santé ou parcours du combattant ?

J’ai eu beaucoup, beaucoup de chance. Mon parcours s’apparente beaucoup plus à un parcours de santé qu’à un parcours du combattant, et tout le mérite en revient à ma maison d’édition : au vent des îles.

Comment se déroule une journée type lorsque tu écris ? Quelle est l’ambiance la plus propice pour laisser libre cours à ton inspiration ?

J’écris le soir et… couché ! Lorsque j’entame un roman, j’écris trois à quatre heures par soirée, dans le silence si possible. Pas de musique, très peu de bruit alentour et des clopes, beaucoup trop.

Sais-tu déjà combien d’épisodes composeront ta série consacrée à Victor ? Tu as déjà une idée précise de la trame à venir ou cela se fera au gré de ton inspiration ?

Dans ma tête, la série consacrée à Victor (ou à sa descendance !) comptera au moins quatre épisodes. Ce ne sera pas nécessairement linéaire dans le temps, mais je ne veux pas trop en dévoiler pour l’instant. Pour le récit, j’ai toujours une idée très précise du déroulement au moment d’entamer l’écriture. Parfois, les personnages me surprennent, ils m’échappent un instant, puis je reviens à mon idée directrice.

Peux-tu nous donner une date de sortie pour le second épisode ? Et quelques indices sur la suite des événements ?

Non, j’en suis bien incapable à ce jour, car cela ne dépend pas que de moi. Encore un indice ? Je crois en avoir semé tout le long de cet entretien, mais je peux te confier que l’épisode suivant est déjà achevé.

 Quelles sont tes références (auteurs et romans) en tant que lecteur ?

La liste est tellement longue ! Les auteurs qui m’ont vraiment marqué m’ont accompagné toute ma vie, des écrivains tels qu’ Albert Cohen, Céline, John Fante, Jonathan Safran Foer, Steinbeck, Pat Conroy ou Dumas. Ces dernières années, j’ai particulièrement aimé le Confiteor de Jaume Cabré, un véritable chef d’œuvre ou les romans de Houellebecq, un auteur à part, peut-être l’un des seuls contemporains qu’on lira dans cent ans pour se faire une idée de la société actuelle.

Comme il m’est d’usage de le faire, je te laisse le mot de la fin.

Tout d’abord, je tiens à te remercier pour cet entretien et la qualité de tes posts que je lis depuis maintenant quelques années. C’est un plaisir de répondre à tes questions et j’ai hâte que nous discutions bouquins autour d’un verre prochainement !

[BOUQUINS] Franck Chanloup – Les Enchaînés

AU MENU DU JOUR


Titre : Les Enchaînés
Auteur : Franck Chanloup
Éditeur : Au Vent des Iles
Parution : 2021
Origine : Nouvelle-Calédonie
221 pages

De quoi ça cause ?

1868, dans un petit village de la Sarthe. Victor Chartieu, entraîné par son père et son frère aîné, multiplie les petits larcins qui ne rapportent pas grand-chose. Jusqu’au jour où une agression tourne mal et se solde par la mort d’un notable.

Le père et ses deux fils sont rapidement arrêtés puis incarcérés au Mans. Convaincu par son père d’endosser le rôle de complice (alors qu’il faisait simplement le guet) à la place de son frère, Victor est condamné au bagne de Toulon avant d’être déporté vers la Nouvelle-Calédonie…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que je connais (virtuellement) Franck depuis quelques années, notamment via son blog littéraire Franck’s Books que je suis assidûment.

Ce roman sera peut-être l’occasion de passer du virtuel à une rencontre IRL, histoire d’échanger en terrasse autour d’une mousse bien fraîche.

Ma Chronique

De nombreux ouvrages existent sur le bagne en Nouvelle-Calédonie, mais j’avoue n’en avoir lu aucun sinon les chapitres consacrés au sujet du Mémorial Calédonien ou de L’Encyclopédie De La Nouvelle-Calédonie (écrite par feu mon père, Denis Marion). Ça m’a toutefois suffi pour me faire une idée des conditions particulièrement éprouvantes que devaient subir les déportés.

Un auteur calédonien, José Louis Barbançon, a consacré  quelques ouvrages dits « de référence » sur la question, mais le type m’insupporte tellement que la seule idée d’ouvrir un de ses bouquins me fout la gerbe.

Au niveau des fictions je n’ai pas été beaucoup plus inspiré, j’ai Le Grand Sud d’ADG qui traîne depuis des années dans mon Stock à Lire Numérique ; je l’ai commencé plus d’une fois, à chaque fois il me tombait des mains après quelques chapitres tellement sa lecture était insipide.

Il était toutefois hors de question que je passe à côté du bouquin de Franck Chanloup, même si nous ne nous connaissons que virtuellement (via nos blogs ou FB), j’ai beaucoup d’estime pour lui  et je ne pouvais lui faire l’affront de snober son premier roman publié (chapeau bas pour avoir franchi le cap de l’édition).

Je n’étais toutefois pas à l’abri de ne pas adhérer pour X raisons et ça m’aurait bien emmerdé (sans toutefois m’empêcher de rédiger une chronique… ne serait-ce que par honnêteté intellectuelle envers moi-même). Heureusement dès les premières pages Les Enchaînés et le récit de Victor ont balayé mes doutes et appréhensions.

Comme le rappelle fort justement Franck, il n’est pas historien et n’a pas la prétention de se revendiquer comme tel. On devine toutefois, derrière ce roman, un gros travail de documentation afin que les différents éléments de son intrigue soient crédibles. Et ça fonctionne à la perfection !

Peut être qu’un historien chevronné trouvera à redire sur certains points, perso je ne cherche pas la rigueur historique quand je lis une oeuvre de fiction, il faut juste que les personnages, le contexte et les événements collent à l’époque. Une mission dont Franck s’affranchit haut la main.

Sur la forme, le récit est à la première personne, nous plaçant directement dans la peau de Victor et nous faisant vivre les faits avec ces mots. Et c’est là un autre point fort qui séduira les amoureux de la langue française, notre narrateur ne manque pas de gouaille et ponctue son propos d’un argot qui fait du bien aux oreilles et au coeur.

Au début de son récit, Victor apparaît comme un brave couillon qui se laisse entraîner, presque malgré lui, dans les plans foireux de son paternel. Mais c’est aussi un gars qui a le coeur sur la main, il ne rechignera pas à accepter le deal de son paternel. Ce dernier endosse l’entière responsabilité du meurtre (alors que c’est Alphonse, l’aîné qui a porté le coup fatal), Victor affirmera qu’il s’est contenté d’immobiliser la victime alors que le frangin faisait simplement le guet. Un deal qui condamne le vieux à une mort certaine, mais permettra à Alphonse, déjà bien estropié par une arrestation musclée, de rejoindre sa femme et son jeune fils.

C’est ainsi que Victor va se retrouver incarcéré au Mans dans l’attente de son procès. Procès qui le condamnera à une peine de neuf ans de bagne, à Toulon pour commencer, dans l’attente de sa déportation vers la Nouvelle-Calédonie.

Si Victor n’a pas inventé la poudre, son analyse des événements n’en reste pas moins pertinente, il sait poser les mots justes sur les faits pour nous les faire ressentir jusqu’au fond des tripes.

Avec lui on découvre la dure vie du bagne, de Toulon à Nouméa, avec notamment la cruauté de certains gardiens ou directeurs de centre. Heureusement le bagne est aussi, pour les détenus, de tisser de solides liens d’amitié.

Franck nous fait vivre intensément le périple de Victor, à peine le roman refermé qu’il me tarde déjà de découvrir la suite. Oui, vous avez bien lu, suite(s) il y aura ; Les Enchaînés est le premier épisode de la série que Franck Chanloup va consacrer à Victor. Et le sagouin sait y faire pour tenir ses lecteurs en haleine, la fin de l’épisode est plutôt abrupte, impossible de ne pas trépigner d’impatience dans l’attente du second épisode.

MON VERDICT

Coup de poing