[BOUQUINS] Amélie Antoine – Aux Quatre Vents

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Titre : Aux Quatre Vents
Auteur : Amélie Antoine
Éditeur : XO
Parution : 2022
Origine : France
439 pages

De quoi ça cause ?

1985. Sabran-sur-la-Lys est un petit village du Nord de la France où tout le monde se connaît. Un village paisible jusqu’à ce qu’un mystérieux inconnu achète le château qui surplombe le village et fait sa fierté… sans toutefois le rouvrir au public.

Par la suite l’homme achète maison sur maison dans le village avant de faire démonter portes et fenêtres et de les laisser, ainsi défigurées, à l’abandon. Qu’est-ce qui pousse cet inconnu à s’acharner ainsi sur ce village ?

C’est ce que va tenter de découvrir Léa, une jeune femme revenue vivre dans le village qui l’a vu grandir depuis quelques années. Pour cela elle va devoir déterrer des secrets du passé que personne de voudrait voir remonter à la surface. Des secrets qui remontent aux heures sombres de la seconde guerre mondiale…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Bien que généralement peu friands de romans ayant pour toile de fond la seconde guerre mondiale, celui-ci a tout de suite titillé ma curiosité. Sans doute parce que l’idée que les évènements du passé puissent venir expliquer ceux du présent me « parlait »…

Ma Chronique

Je remercie les éditions XO et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

La genèse de ce roman est plutôt originale : c’est en effet Jack Koch – dessinateur & illustrateur – qui a soufflé à Amélie Antoine les grandes lignes d’une histoire qu’il a imaginé (un homme achète les maisons d’un village avant de faire retirer portes et fenêtres et de les abandonner à leur triste sort). L’auteure a été séduite par cette histoire, à charge pour elle de se l’approprier et de l’étoffer pour la transformer en roman.

Pour l’anecdote les deux artistes se connaissent bien puisqu’ils ont déjà collaboré à un album jeunesse en 2019, Ernest et Moi, publié chez Michel Lafon.

Ce n’est que le second roman d’Amélie Antoine que je lis, même si le précédent, Raisons Obscures, m’avait fait forte impression. La faute au temps… ou plus exactement au manque de temps.

Pour construire son intrigue Amélie Antoine va nous faire voyager des années 80 aux années de la France occupée. Un voyage dans le temps nécessaire pour comprendre le parcours de Léa, de Ludmilla et de Clément. Mais aussi pour découvrir les sombres secrets enfouis dans les mémoires de Sabran-sur-la-Lys.

Je reconnais volontiers que les années d’Occupation allemande ont dû être traumatisantes pour beaucoup français (et pas seulement les Juifs, obligés de vivre cachés pour espérer échapper aux idées nauséabondes de la doctrine nazie). Mais je ne ferai pas non plus la politique de l’autruche en passant sous silence les dérives de la Libération (délations pas toujours justifiées, exactions en tout genre, basses vengeances…).

N’ayant pas vécu ces sombres années je ne vais pas pérorer à grand renfort de « moi je » qui aurait fait ci ou pas fait ça… Ceux qui tiennent ce genre de discours me donnent envie de leur rabattre le caquet à coup de lattes dans les gencives. Ne disposant d’un permis de latter illimité, je me contente en général de faire référence à la chanson de Jean-Jacques Goldman, Né en 17 à Leidenstadt. Si ça ne suffit pas je fais appel à Audiard : « J’parle pas aux cons, ça les instruit. » Un tantinet prétentieux certes, mais efficace.

Difficile toutefois de rester de marbre face au parcours de Charlotte, à l’autoritarisme borné de son père et au silence soumis de sa mère… c’est quasiment tout un village qui va se liguer contre elle parce qu’elle est tombée amoureuse de la « mauvaise » personne. Malgré les rumeurs et l’hostilité grandissante, elle restera fidèle à ses idéaux et à ses sentiments.

À travers ses nombreux personnages, Amélie Antoine, explore les multiples facettes de l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus répugnant, mais aussi dans ce qu’elle a de plus beau. Un roman qui vous prendra aux tripes plus d’une fois et jonglera avec vos émotions à la manière d’un clown épileptique et parkinsonien.

Le talent de conteur d’Amélie Antoine et la justesse de son propos font que cette alchimie entre Histoire et fiction fonctionne à la perfection. Difficile de trancher entre les voies choisies par Léa et Clément, leurs parcours sont à la fois proches et pourtant radicalement différents, et leur choix est totalement compréhensif quand on se place dans la peau du personnage qui défend son point de vue.

Comme tente de l’expliquer Léa à Clément, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc dans l’absolu :

La vérité est bien plus complexe que vous voulez bien le croire : ceux que vous haïssez du plus profond de votre cœur parce qu’ils sont responsables de la mort de votre mère sont aussi ceux qui ont sauvé la vie d’une gamine juive. Ce sont les mêmes personnes, les mêmes…

Je nuancerai le propos en disant que les villageois ont sauvé la vie de Léa simplement en se taisant alors qu’ils ont participé – activement ou passivement – à la perte de Charlotte.

Je terminerai cette chronique par quelques mots de remerciements qui pourraient surprendre, mais ceux qui ont lu ce roman comprendront : Merci le chien !

MON VERDICT