[BOUQUINS] Michaël Mention – Dehors Les Chiens

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Titre : Dehors Les Chiens
Auteur : Michaël Mention
Éditeur : 10/18
Parution : France
Origine : 2021
312 pages

De quoi ça cause ?

1866, Californie. Crimson Dyke, agent des services secrets, traque les faux-monnayeurs afin de les livrer à la justice. Alors qu’il fait une pause à Providence, un cadavre est retrouvé les tripes à l’air. Face à l’hostilité su Sheriff du comté, Crimson Dyke décide de poursuivre sa mission. Jusqu’à ce que d’autres cadavres, éventrés de la même façon, ne croisent sa route…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce qu’un ne croise pas tous les jours un western écrit par un auteur français. Mais aussi et surtout parce que ledit auteur est Michaël Mention.

Ma Chronique

Je remercie les éditions 10/18 et Net Galley pour avoir répondu favorablement à ma demande concernant ce titre.

S’il est un genre cinématographique représentatif des Etats-Unis, c’est bien le western, qu’il s’agisse des classiques avec ses acteurs qui ont forgé la légende de l’Ouest (John Wayne, Gary Cooper, Robert Mitchum, Steve McQueen, Charles Bronson…), du western  spaghetti (qui doit sa renommée à Sergio Leone) ou crépusculaire (avec Clint Eastwood comme porte drapeau du genre) ou de films plus contemporains qui continuent de faire honneur au genre (Danse Avec Les Loups, Impitoyable, Hostiles ou encore Django Unchained pour ne citer qu’eux).

Tout le monde ne le sait pas forcément mais bon nombre des classiques du genre ont été des romans avant d’être des films (je vous invite à parcourir la collection L’Ouest, le vrai des éditions Actes Sud pour (re)découvrir certains de ces classiques). Bien entendu ces romans sont l’œuvre d’auteurs américains.

Qu’un auteur français se lance dans l’écriture d’un western et pousse même le vice jusqu’à s’en réapproprier les codes, pourrait passer pour un challenge un peu dingue, pour ne pas dire franchement casse-gueule. Que cet auteur soit Michaël Mention a de quoi rassurer le lecteur, non seulement ce gars est un véritable touche-à-tout mais en plus il a tendance à transformer en or tout ce qu’il touche.

Dès les premières pages l’auteur confirme qu’il maîtrise son sujet, non seulement on retrouve tous les codes chers aux amateurs de western mais en plus son écriture tend à les sublimer. Il applique à son texte une forme résolument moderne sans jamais en dénaturer le fond.

1866. Les cicatrices laissées par la guerre de Sécession sont loin d’être refermées, la tension est à son comble. Les villes se font et se défont au gré des gisements (or et pétrole) et de leur tarissement. Le rêve américain peut se transformer en cauchemar au hasard d’une mauvaise rencontre.

L’Ouest que nous dépeint Michaël Mention ressemble davantage à celui de Quentin Tarantino (Django Unchained / Les 8 Salopards) qu’à celui de Morris (Lucky Luke) ou Cauvin (Les Tuniques Bleues). C’est brut et brutal ! Les différents se règlent à coups de flingue plutôt qu’avec des bons mots. Les héros sont fatigués et désabusés mais pas désespérés… c’est pas le moment de les faire chier !

Crimson Dyke est justement de ces héros, face à ce corps atrocement mutilé il se pose des questions et ne tarde pas à découvrir que la victime n’est pas la première. Il mettra toutefois sa curiosité en veilleuse face à un Sheriff franchement hostile à ses questionnements. C’est presque malgré lui qu’il enquêtera tout en menant à bien ses propres affaires.

Face à lui un système corrompu par le fric et les ambitions personnelles… et quatre tueurs impitoyables. Comme dirait un certain John Rambo (que Dyke ne peut connaître, il est le fruit d’une autre guerre) : ils n’auraient pas dû verser le premier sang !

Un western résolument moderne qui pourrait aussi bien se transposer dans les années Capone que de nos jours mais qui reste fidèle au genre. Une revisite brillante et d’une redoutable efficacité, servie par une plume qui claque comme un calibre .38 (le calibre le plus performant du moment).

Le titre du roman fait référence à une citation biblique : « Dehors les chiens, les enchanteurs, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge ! » – Apocalypse 22:15 (traduction Louis Segond). Je vous garantis qu’avec Crimson Dyke dans le rôle de l’ange rédempteur, ça dépote bien plus efficacement que dans l’original !

Le roman étant sous-titré, Les Errances De Crimson Dyke, il y a fort à parier que nous retrouverons prochainement cet agent secret qui me manque déjà (mais je lui accorde volontiers un répit bien mérité… mais faut pas non plus qu’il prenne racine).

En aparté

Cette chronique aurait pu ne jamais voir le jour, en tout cas pas dans le cadre d’un partenariat avec Net Galley. En effet l’éditeur ne proposait qu’une version PDF (faudrait leur expliquer un jour que ce format est l’ancêtre du livre numérique… aujourd’hui complètement dépassé par le format EPUB). Mon premier réflexe a été de laisser passer un peu de temps avant de refuser le bouquin à défaut d’un format EPUB d’ici à la sortie commerciale.

Le truc c’est que j’avais vachement envie de lire ce bouquin, du coup j’ai pris sur moi de me créer une version numérique fait maison du roman. Ce qui oblige à survoler le fichier afin de corriger les coquilles et autres anomalies pouvant survenir en convertissant un fichier PDF en document Word… avant de l’exporter via SIGIL pour une version finalisée en EPUB.

Un boulot qui demande un temps certain, que j’ai achevé quelques jours avant la sortie du roman (et donc la version EPUB commerciale). Le hasard a voulu qu’une amie m’offre le bouquin (au format EPUB cela va de soi) quelques jours après sa sortie. C’est donc la version EPUB que je chronique et note ici… un détournement de partenariat Net Galley en quelque sorte.

Je me fous du temps passé sur la réalisation de ma version numérique, non seulement c’est un truc que j’aime faire mais en plus j’étais plus que satisfait du résultat obtenu. En revanche le fait d’avoir survolé le texte avant m’a méchamment spoiler l’intrigue…

Un plaisir de lecture partiellement gâché par cette saloperie de format PDF mais que je ne sanctionne pas dans ma notation. L’auteur n’a pas à pâtir des faiblesses de sa maison d’édition (ce n’est pas parce que c’est un roman proposé en Service Presse qu’il faut nous refourguer tout et n’importe quoi).

MON VERDICT

[BOUQUINS] Tom Sharpe – Wilt 1

T. Sharpe - Wilt 1Un Book Club inhabituel proposé par la Team AlexandriZ pour ce mois de juin puisqu’il s’agit d’un hommage à Tom Sharpe, écrivain britannique spécialisé dans l’humour, décédé le 6 juin 2013. Une fois le principe acté il restait à choisir un titre, c’est tout naturellement Wilt, premier du nom (la série compte cinq romans), qui s’est imposé étant donné que c’est ce roman, publié en 1976, qui lui a valu d’être reconnu comme l’un des plus grands humoristes anglais contemporains. Titre que je résumerai à Wilt 1 mais dont le titre complet est Wilt 1 ou Comment Se Sortir D’Une Poupée Gonflable Et De Beaucoup D’Autres Ennuis Encore, prometteur non ?
A l’approche de la quarantaine Henry Wilt se fait chier dans sa vie, aussi bien au niveau professionnel, où il enseigne la Culture Générale dans un lycée technique à des élèves qui n’en ont franchement rien à cirer, qu’au niveau personnel, où il a de plus en plus de mal à supporter sa femme, Eva. Et ce n’est certainement la nouvelle amie d’Eva, Sally Pringsheim , une américaine aussi délurée que manipulatrice, qui va arranger les choses. Aux grands maux les grands remèdes, Wilt est bien déterminé à ne plus se laisser marcher sur les pieds ; mais même avec la meilleure volonté du monde il n’est pas au bout de ses peines…
Ca faisait un moment que j’avais inscrit les Wilt dans ma liste de bouquins à lire, mais vous savez ce que c’est, le Stock à Lire grossit encore et encore et comme j’ai tendance à piocher parmi les dernières entrées il y a forcément des titres qui sombrent dans l’oubli, attendant l’occasion de remonter à la surface. Dommage pour Tom Sharpe que ladite occasion fut son décès (d’un autre côté à 85 ans ça fait partie des risques de la condition humaine) ; ajoutez à cela une proposition dans le cadre du Book Club de la Team et toutes les conditions sont réunies pour vous proposer cette chronique.
J’avoue avoir eu un peu de mal à entrer dans l’histoire lors des premiers chapitres, heureusement la soirée chez les Pringsheim (qui justifie la première partie du titre) met le feu aux poudres et à partir de là les situations absurdes et les quiproquos se succèdent pour notre plus grand plaisir. A ce titre si je ne devais retenir qu’une (longue) partie du récit je conserverai sans hésitation toute la période de garde à vue de Wilt et ses joutes verbales avec l’inspecteur Flint ; c’est franchement jouissif. Mais au-delà de l’absurde l’auteur prend un malin plaisir à dénoncer les travers de la société de consommation, de la course aux apparences et d’une certaine pseudo-liberté de penser et d’agir. Critique qui reste toujours de mise à l’heure actuelle, 37 ans après la première parution du bouquin.
Que dire des personnages d’Eva et de Henry Wilt ? Finalement aucun n’est réellement attachant, Henry peine à affirmer sa personnalité et sa femme manque cruellement de jugeote ; alors que chacun déploie une énergie monumentale (volontairement ou non) à pourrir la vie de l’autre on sent toutefois qu’il existe entre eux un lien fort, certes quelque peu enfoui par le poids des années (sans parler des engueulades et autres brimades) mais toujours présent. Les autres personnages, bien que secondaires, sont tous hauts en couleurs (mention spéciale pour le révérend Saint John Froude) et viendront pimenter, plus ou moins longuement l’intrigue.
Le style  est aussi agréable qu’abordable, ça se lit tout seul et ça devient rapidement addictif. Nos zygomatiques alternent entre sourires et rires (attention, une lecture en public pourra vous attirer des regards réprobateurs, voire plus), l’auteur joue à la fois sur un comique de situation et sur un comique de mots ; un peu de bonne humeur dans la grisaille ambiante ne se refuse pas.
Une chose est sure je ne regrette pas d’avoir découvert l’univers littéraire de Tom Sharpe, je continuerai avec plaisir la saga Wilt (je ne les lirai pas d’affilée, un de temps en temps quand je rechercherai une lecture légère) et, si l’occasion se présente, m’aventurerai vers ses autres titres.
La littérature humoristique est une denrée suffisamment rare pour en profiter pleinement quand on tombe sur de pareilles pépites, toutefois, sans vouloir faire dans le chauvinisme primaire, et quitte à me faire lyncher, je placerai Gilles Legardinier un poil au-dessus de Tom Sharpe mais ce jugement n’engage que moi…