[NO COMMENT] Gueule De Bois

Je ne résiste pas à l’envie de partager ce texte trouvé sur le Net… Pour lecteurs avertis !

GUEULE DE BOIS

J’ouvre les yeux et regarde autour de moi. Pendant trois secondes de gloire, je me sens parfaitement bien. Mais la sensation me quitte aussi vite qu’elle est venue.
Bordel. Pourquoi est-ce que j’ai picolé autant hier soir ? J’ai la tête qui tourne. Quelle heure est-il ?
En sortant de ma chambre, je déambule tant bien que mal le long du couloir. Les toilettes. Je rends hommage au dieu faïence. Après m’être lavé les mains, je retourne dans la chambre. C’est en retombant sur mon lit que je réalise.
Merde. MERDE. Les parents viennent dîner ce soir et mon ex dépose mon fils à 10h.
Je plonge la main dans mon sac pour attraper mon téléphone. 9h43. Je me dirige vers la cuisine, je sors la dinde du congélo et mets le four à préchauffer. Mes parents savent que je suis une cuisinière déplorable, mais il faut bien que je leur prouve aussi que je ne sers pas complètement à rien.
Mais merde, qu’est-ce qui s’est passé hier soir ? Raquel et moi sommes allées au Gingerman. Ça j’en suis certaine. Kyle et Chris nous ont rejointes. Ils nous ont payé tournées sur tournées de tequila. Putain de tequila. J’ouvre mon sac et prends mon paquet de cigarettes. Vide. Évidemment, fait chier. Ensuite on est allé à l’Evil Olive. À l’Olive ? À moins que ce soit l’Hasted ? Putain le trou. Mais bordel pourquoi j’ai pris de la coke hier soir ?
La sonnette. J’avale un tic-tac et vais ouvrir.
Mon bébé je t’aime tellement, mais par pitié, ne sois pas d’humeur gueularde aujourd’hui. Cette nuit, pour oublier, Maman a pris une quantité insensée de drogue et d’alcool.
J’ouvre la porte à mon ex et à mon magnifique bébé.
“Oh ce que tu m’as manqué mon p’tit chéri !” J’arrache mon fils des bras de son père et lui caresse le cou du bout de mon nez. Puis je l’emmitoufle fermement dans sa couverture blanche en laine crochetée.
“Je reviendrai mardi à 10h. Au revoir fiston.” Mon ex embrasse son fils sur le front et disparaît dans la cage d’escalier.
Putain je suis décalquée. Peut-être que je devrais annuler le dîner. Non, je peux pas faire ça. Ils sont probablement déjà en route. Bon, au moins mon bébé est endormi. Dieu merci.
Ma gorge est subitement envahie par mes erreurs de la nuit dernière. Je pose mon bébé et me précipite aux chiottes. Au point où en sont les choses, ce n’est plus qu’un jus jaunâtre qui me brûle la gorge, mais bon, vaut mieux que ce soit dehors que dedans, hein ? Je me passe le visage sous l’eau. Le téléphone sonne.
“Salut Jess. On sera un peu en avance, on devrait arriver dans deux heures environ. J’espère que ça te pose pas de souci. Qu’est-ce que tu nous prépares de bon ?”
“Salut m’man. Non c’est bon, pas de problème.” Mais oui, c’est un putain de problème. Rien n’est prêt. “Ce soir on mange de la dinde. Prenez votre temps. Appelez quand vous arrivez dans le coin. Bisous.”
Tout ce que je veux c’est dormir. Prendre de l’Advil et dormir. Je savais que j’aurais pas dû sortir hier soir. J’espère que Raquel est bien rentrée chez elle. Comment je suis rentrée, moi, d’ailleurs ..?
J’ai une montée de migraine en puissance au moment où j’enfourne la dinde. Deux heures. J’ai le temps de faire une petite sieste d’une demi-heure avant de tout préparer. Je porte mon fils alors profondément endormi jusqu’à sa chambre pour le coucher dans son berceau. Je vacille vers mon lit, je sors mon casque, me mets un bon Radiohead bien posé dans les oreilles, puis je décolle.
Là je fais un rêve super étrange. On frappe à ma porte. Deux policiers. Ils m’annoncent que Raquel a été tuée hier soir et qu’ils ont besoin de moi au poste. Des heures d’interrogatoire. Ils ont trouvé mes empreintes sur ses cuisses et sa poitrine ainsi que des traces de mon rouge à lèvres dans son cou. Elle a été empalée, une barre enfoncée dans son vagin jusqu’au travers de sa tête. Ils me montrent le corps.
Je me réveille au retentissement de la sonnette. Je regarde mon téléphone. Cinq appels manqués. 15h. Merde !
J’ouvre la porte.
Je bredouille. “Mon Dieu je suis vraiment désolée. J’ai passé une nuit difficile et… “
“C’est pas grave ma chérie, on a été jeunes nous aussi. Je vois que la dinde est en train de cuire. Je peux commencer à préparer les pommes de terre.”
“Merci Maman.” Je l’embrasse sur la joue et prends mon père dans les bras.
“Bien, où est ce beau bébé ?” demande mon père.
“Là il dort mais je suis sûre qu’il adorerait voir son grand-père.”
Pendant que mes parents enlèvent leur manteau, j’attrape deux Advil dans le placard et les avale tout rond.
“Viens, p’pa.”
Ne plus se mettre de mine la veille d’une visite des parents. Je suis dans un état lamentable.
J’ouvre la porte et allume la lumière de la chambre de mon fils. Mon père accourt tout sourire au-dessus du berceau et tire la couverture.
“Jess, pourquoi y a une dinde dans le berceau ?”

Version originale signée HeadsOnSticks et publiée sur Reddit
Traduction proposée par erverg sur le forum de la Team AlexandriZ

[BOUQUINS] Tir groupé sur les nouvelles…

D’habitude je ne chronique pas les nouvelles (hors recueil bien entendu) mais comme j’en avais trois sous le coude, et une quatrième que j’avais (in)justement passé sous silence, je me suis dit que ça valait peut être le coup de déroger à la règle en proposant un post groupé. Du coup je vous offre quatre courtes critiques (forcément s’agissant de nouvelles je suis moins prolixe que pour un roman).

4 nouvelles
Pierre Lemaitre – Les Grands Moyens

Lue dans le cadre de mon challenge 100% polar cette nouvelle nous propose de suivre le commandant Verhoeven et son équipe aux prises avec un poseur de bombe inhabituel, en effet l’homme se rend après son premier attentat, mais son arrestation n’est que le début d’une course contre la montre pour le moins explosive…
Chronologiquement cette nouvelle s’insère entre Alex et Sacrifices. Diffusée gratuitement sous forme de feuilleton (un épisode par jour) par Smartnovel j’ai attendu d’avoir l’intégrale avant de regrouper le tout en un seul fichier epub et de me plonger dans sa lecture. Si je devais résumer cette nouvelle en trois mots je dirai simplement : court mais efficace (comme quoi ce n’est pas la longueur qui importe mais la qualité… Bon OK long et bon c’est pas mal aussi). L’auteur parvient, en quelques pages, à nous scotcher et à nous surprendre (même si la fin est quelque peu prévisible).

Franck Thilliez – Le Grand Voyage

Proposée dans la collection Les Petits Polars Du Monde (le journal, Le Monde) cette courte nouvelle de Franck Thilliez démarre fort, Peter Anderson, citoyen américain sans histoire, se suicide après avoir buté sa femme et ses deux enfants ; comment et pourquoi en est-il arrivé là ? Tout a commencé 15 jours plus tôt sur un paquebot…
Franck Thilliez maîtrise à merveille les situations de huis-clos oppressants et cette fois encore, à bord d’un paquebot de croisière, il installe une ambiance aussi lourde que mortelle. On devine rapidement ce qui se passe à bord du navire à l’arrêt mais le lien avec le cas de Peter Anderson est plus complexe vu qu’il n’était pas à bord. Ce n’est qu’à la toute fin du récit que l’on apprend le pourquoi du comment de son acte ; et quelle fin magistrale ! Court mais intense.
Il va falloir que je commande le coffret proposé par Le Monde, regroupant treize nouvelles inédites écrites par de grands noms du polar français, à 29,5 € ce n’est pas donné mais la présentation est sympa et ça devrait promettre quelques heures de lectures captivantes (en plus de découvrir des auteurs que je ne connais pas).

Frédéric Mars – Le Livre Qui Rend Dingue

Des quatres nouvelles présentées ici c’est la seule qui ne soit pas un thriller, Frédéric Mars et les éditions StoryLab (dont le deal est de proposer des bouquins au format numérique qui se lisent en moins d’une heure) nous livrent un petit bijou du genre OLNI (Objet Littéraire Non Identifié). Imaginez que LE meilleur best-seller de tous les temps, unanimement salué par le public et la critique, provoque des effets secondaires plutôt inattendus chez bon nombre de lecteurs…
L’auteur ne se contente pas de nous offrir quelques pages drolatiques (pour ne pas dire totalement décalées), il balance sans vergogne sur le monde de l’édition, les auteurs et les éditeurs en prennent pour leur grade… Et aussi, un peu, les lecteurs. C’est parfois acide mais toujours traité avec humour et de façon intelligente. De fait la lecture est non seulement divertissante mais aussi franchement agréable. Pari réussi pour StoryLab et Frédéric Mars, ça se lit d’une traite en moins d’une heure, et on se régale du début à la fin. En trois mots : court et décapant !

Franck Thilliez & Laurent Scalese – L’Encre Et Le Sang

Encore Franck Thilliez mais cette fois Laurent Scalese s’est joint à lui pour nous proposer cette nouvelle qui mêle fantastique et thriller. William Sagnier, écrivain raté et volé, se rend à Hong Kong dans le but de tuer Cassandra Brandström et Jack Malcombe, respectivement éditrice et auteur à succès qui se sont appropriés son travail ; après avoir lamentablement foiré il erre dans les rues jusqu’à ce qu’il tombe sur une vieille machine à écrire. Il va rapidement se rendre compte que tout ce qu’il tape à la machine devient réalité, l’heure de sa vengeance a sonné…
A défaut d’être totalement originale l’intrigue est rondement menée, jusqu’au bout les deux auteurs nous scotchent à leur récit tant on a envie de savoir où tout ça va nous mener. Au fil de ces quelques pages je peux vous assurer que vous ne manquerez pas d’être surpris, jusqu’à la révélation finale qui est aussi bluffante que géniale. Pour être tout à fait franc j’ai par moment oublié que je lisais une nouvelle signée Thilliez et Scalese, j’avais l’impression d’avoir du Stephen King au sommet de son art entre les mains. Du grand art, donc pour résumer en trois mots : court mais génialissime !