[BOUQUINS] Harper Lee & Fred Fordham – Ne Tirez Pas Sur L’Oiseau Moqueur

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H. Lee - Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

Titre : Ne Tirez Pas Sur L’Oiseau Moqueur
Auteur : Harper Lee
Dessin : Fred Fordham
Éditeur : Grasset
Parution : 2018
Origine : USA
288 pages

De quoi ça cause ?

1933, Maycomb (Alabama). Atticus Finch, avocat, élève seul ses deux enfants Jeremy (Jem) et Jean Louise (Scout). Quand il accepte de défendre Tom Robinson, un Noir accusé d’avoir violé une Blanche, la vie de la famille Finch bascule.

Scout, la narratrice, découvre alors que l’âme humaine peut être salement pervertie, loin des valeurs qu’Atticus s’efforce d’inculquer à ses enfants.

Ma Chronique

Ne Tirez Pas Sur L’Oiseau Moqueur fait partie de ces classiques incontournables que je me promettais de lire chaque fois que je le croisais en explorant les méandres de mon Stock à Lire Numérique… avant de passer à autre chose !

Grâce à la générosité du Père Noël, je peux enfin découvrir ce texte sous la forme d’un roman graphique. Le texte français est celui de l’édition de 2005, il s’agit de la traduction d’Isabelle Stoïanov révisée par Isabelle Hausser.

Paru en 1960, alors que le mouvement pour les droits civiques est au coeur de l’actualité américaine, ce premier roman de Harper Lee fait office de pavé dans la mare, ce qui ne l’empêchera pas de connaître un succès jamais démenti depuis (il a été récompensé par le prix Pulitzer en 1961).

Pour l’anecdote, il faudra attendre 2015 pour découvrir un second roman de l’auteure, Va Et Poste Une Sentinelle, qui peut être considéré comme une suite de celui-ci, l’intrigue suivant la famille Finch en 1955. C’est pourtant ce dernier roman que Harper Lee a proposé à son éditeur en 1960, il lui conseillera plutôt d’écrire un récit à la première personne sur la jeunesse de son héroïne, Scout Finch.

Et donc voilà la jeune Scout qui nous raconte son histoire. Retour en 1933 alors que les USA sont dans le marasme de la Grande Dépression (la crise économique majeure qui a suivi le krach boursier de 1929). Dans les États du Sud le racisme est fortement ancré dans les mentalités de certains, on flirte même avec la tare congénitale.

Heureusement tous ne sont pas comme ça, Atticus Finch inculque à ses enfants des valeurs telles que le respect et la tolérance. Quelle cruelle désillusion pour la jeune Scout et son frère quand ils réalisent que ces bons sentiments ne sont pas partagés par tous. Quand ils voient le voisin qui hier saluait cordialement Atticus, lui cracher à la gueule et le menacer…

Si les thèmes abordés sont graves (inégalités sociales et raciales, respect et tolérance, rôle de la femme, apprentissage de la vie, fin de l’innocence…) Ils sont traités sans sombrer dans le pathos, on dénote même une certaine légèreté liée au regard que porte une enfant sur les événements et les gens.

Pour souligner son propos, l’auteure nous fait partager le quotidien insouciant de Jem, Scout et Dill (leur voisin le temps des vacances d’été et ami) dans la première partie du récit. Peu à peu elle les confronte à la noirceur de l’âme de certains de leurs voisins et supposés amis.

Le trait de Fred Fordham est fin et précis, on est instantanément en totale immersion dans le récit. Un récit intemporel qui, malheureusement, pourrait encore de nos jours trouver des échos bien réels dans l’actualité (et pas que de l’autre côté de l’Atlantique).

Ce n’est pas parce qu’on est battu d’avance qu’il ne faut pas essayer de gagner.

Au risque de faire convulser les puristes, j’ai trouvé que le format roman graphique offrait une excellente approche du récit de Harper Lee. Sincèrement je ne pense pas que lire le roman m’apportera beaucoup plus que ce que j’ai déjà retiré de cette lecture.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Elly Griffiths – Le Journal De Claire Cassidy

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E. Griffiths - Le journal de Claire Cassidy

Titre : Le Journal De Claire Cassidy
Auteur : Elly Griffiths
Éditeur : Hugo
Parution : 2020
Origine : Angleterre (2018)
444 pages

De quoi ça cause ?

Ella Elphick, prof d’anglais au collège de Talgarth High, est retrouvée morte à son domicile. Elle a été poignardée à plusieurs reprises, son assassin a laissé un message sibyllin près du corps : « L’Enfer est vide ».

Les collègues et les élèves de la victime sont sous le choc. C’est notamment le cas de Claire Cassidy qui enseigne elle aussi l’anglais et était proche d’Ella.

L’enquête est confiée aux lieutenants Harbinder Kaur et Neil Winston. Pas d’indice exploitable sur la scène de crime, des témoins qui semblent volontairement omettre certains détails… l’affaire va rapidement s’avérer plus complexe qu’elle ne le laissait présager.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que les éditions Hugo sont désormais partenaires de la plateforme Net Galley. Un éditeur qui m’a souvent réservé de belles surprises. C’est donc tout naturellement que je me suis laissé tenter par ce roman présenté comme « le thriller de l’année ».

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Hugo et Net Galley pour leur confiance qui me permet de découvrir ce roman en avant-première (sortie le 2 janvier).

Par contre quelle déception de recevoir le bouquin au format PDF ! Messieurs les éditeurs, il faut vivre avec son temps, le PDF c’était AVANT ! Vos arguments sécuritaires ne tiennent pas la route, c’est indigne de votre métier de ne pas privilégier le confort et le plaisir du lecteur.

Double peine avec ce roman, le fichier est en mode paysage, chaque page PDF présentant deux pages papier côte à côte. Une fois la structure du fichier epub construite, c’est en faisant un copier-coller page par page qui j’ai alimenté les chapitres.

Un bémol que je continuerai à signaler chaque fois que je recevrai un titre au format PDF, plus encore quand cela n’est pas indiqué sur la fiche du bouquin. Un bémol que je ne sanctionne pas (pas encore en tout cas) dans mon verdict final, même si j’avoue volontiers que parfois ça me démange de défalquer à ma note un point de malus.

Si de prime abord l’intrigue ne brille pas forcément par son originalité, le roman d’Elly Griffiths réussit toutefois à tirer son épingle du jeu et a de nombreux atouts pour séduire les lecteurs adeptes du genre.

Les chapitres, tous rédigés à la première personne, alternent entre les points de vue de Claire Cassidy, Georgia Newton, sa fille, et Harbinder Kaur, la lieutenant en charge de l’enquête. Un exercice de style intéressant qui permet de partager le vécu et le ressenti des différents personnages porteurs de l’intrigue.

Les personnages secondaires ne sont pas laissés pour compte, tous sont traités avec la même attention, quel que soit leur rôle dans le déroulé des événements.

L’auteure nous propose un récit à double entrée. En plus de l’intrigue principale, autour du meurtre d’Ella (et plus si affinités), Claire essaye de percer les secrets de R.M. Holland, un auteur de l’époque victorienne dont la nouvelle, L’Inconnu, semble étroitement liée aux événements qui agitent Talgarth High (qui fut aussi la résidence de l’auteur).

De fait, au fil de la lecture le texte de L’Inconnu vous sera peu à peu dévoilé, avant d’être repris en intégralité à la fin du roman avec sa chute.

Inutile de vous ruer sur Google pour chercher des infos sur ce R.M. Holland, c’est un auteur créé de toutes pièces par Elly Griffiths pour les besoins de son intrigue. On se prend vite au jeu, à tel point que l’on en viendrait presque à regretter de ne pas avoir toutes les réponses sur ce point.

Au final ce roman est maîtrisé de bout en bout, il vous propose une intrigue riche en rebondissements et autres revirements de situation. Vous n’en finirez pas de vous poser des questions et de remettre en cause vos certitudes avant d’être totalement pris au dépourvu par le revirement final (voire même par la double révélation finale).

MON VERDICT

[BOUQUINS] Dumond, Vignolle, Mardon – Les Bijoux De La Kardashian

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Les bijoux de la Kardashian
Titre : Les Bijoux De La Kardashian
Scénario : François Vignolle & Julien Dumond
Dessin : Grégory Mardon
Éditeur : Glénat
Parution : 2018
Origine : France
148 pages

De quoi ça cause ?

3 octobre 2016, alors qu’elle est en déplacement à Paris pour la Fashion Week, Kim Kardashian est victime d’un cambriolage. Les voleurs partiront avec un butin de plus de 9 millions d’euros en bijoux.

Face à la pression médiatique internationale, la BRB (Brigade de Répression du Banditisme) parisienne va faire de cette enquête une priorité…

Ma Chronique

Si pour les bouquins je me revendique 100% lecteur numérique, force m’est de reconnaître que pour les BD et romans graphiques le format papier reste indétrônable ; il n’y a que sous cette forme que j’apprécie pleinement la lecture.

Je ne suis pas un adepte des rubriques people et autres potins mondains, je me contrefous de la vie de Kim Kardashian ; du coup je n’ai pas du tout suivi cette histoire de vol de bijoux (j’en ai entendu parler et j’ai zappé, tout simplement). Le Père Noël ayant déposé cette BD au pied du sapin, je m’en vais réparer cette terrible lacune culturelle.

Cette BD nous fait revivre ce fait divers ultra médiatisé, mais aussi et surtout l’enquête de police visant à identifier les voleurs et accessoirement retrouver les bijoux. Après cette lecture j’en viendrai presque à regretter de ne pas m’être davantage intéressé à cette histoire que je n’aurai jamais soupçonné d’être aussi rocambolesque.

Les auteurs se sont visiblement bien documentés sur les dessous de cette affaire, ils nous plongent vraiment au coeur de l’enquête, une enquête qui réservera bien des surprises à la police ! J’ai trouvé les nombreuses touches comiques parfaitement adaptées à la situation qui frôle parfois le voyage en absurdie.

Le décalage entre la victime, starlette de la télé-réalité et des réseaux sociaux, et ses agresseurs, de vieux braqueurs à l’ancienne, est tellement énorme qu’il ne peut que prêter à sourire. La rencontre improbable entre deux mondes que tout oppose ; pour illustrer mon propos, il suffit de savoir que ces Pieds Nickelés braquos n’avaient jamais envisagé que leur vol déchaînerait à ce point les passions.

— Comment elle gagne sa vie déjà ?
— J’sais pas, elle chnaps chatte…
— Elle quoi ?

— Elle est sur internet !
— Ah ouais.

Niveau graphique le trait grossier (presque caricatural) se prête bien à l’histoire qui nous est racontée. Le scénario est traité avec beaucoup de soins, notamment au niveau des personnages et de leurs relations.

— N’empêche, autant de moyens pour une starlette qui a pas pris ses précautions pour se protéger… c’est un peu too much, tout ça ?
— Arrête ! C’est une super enquête.
— Oui, mais je me demande ce que ça aurait donné si c’était une vieille dame que s’était fait dépouiller de sa boîte à bijoux.
— Ah, ça, c’est sûr… si c’était mamie Tromblon qui s’était fait braquer, elle aurait pas eu les faveurs de Lagerfeld ou de Kassovitz pour lui saper le moral.

J’ai passé un agréable moment avec cette BD, un pari qui n’était pas gagné d’avance vu l’intérêt que je porte à la Kardachiante. Bravo aux auteurs qui nous offrent un divertissement richement documenté.

Bijoux Kardashian

MON VERDICT

[BOUQUINS] Chrystel Duchamp – L’Art Du Meurtre

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C. Duchamp - L'Art Du Meurtre
Titre : L’Art Du Meurtre
Auteur : Chrystel Dubois
Éditeur : L’Archipel
Parution : 2020
Origine : France
272 pages

De quoi ça cause ?

Le corps de Franck Tardy, avocat à la retraite, est retrouvé dans son luxueux appartement du XVIe arrondissement. Il a été torturé, mutilé, puis assis à une table dressée pour un banquet. Un crime de toute beauté !

Dépêchée sur place, l’équipe de la PJ découvre que l’homme – un collectionneur d’art – fréquentait les clubs sadomasochistes de la capitale. Et que, malgré sa fortune, il était à court de liquidités.

Quand le corps d’un autre amateur d’art – dont la mort a été soigneusement mise en scène – est retrouvé, le doute n’est pas permis : un tueur en série est à l’œuvre.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que le titre et le pitch m’ont attiré, l’idée de mélanger la beauté de l’art et l’horreur du crime est plutôt audacieuse sur le papier… je voulais voir ce que ça donnait dans les faits.

Ma Chronique

Je remercie les éditions l’Archipel et Net Galley pour leur confiance renouvelée et l’occasion de découvrir ce roman en avant-première (sortie le 16 janvier).

Un roman reçu au format PDF que j’ai entrepris de convertir au format epub pour profiter pleinement de ma lecture. Je venais de finaliser la chose quand j’ai découvert qu’il était désormais disponible en epub via Net Galley. C’est donc cette version que j’ai lue, la mienne est passée à la corbeille sans appel.

Et si on commençait par faire les présentations avant d’entrer dans le vif du sujet. Avec les trois personnages principaux qui portent cette intrigue. Deux femmes flics au caractère bien trempé, liées par une amitié indéfectible malgré quelques divergences de point de vue. Et un marchand d’art qui passera de suspect potentiel à consultant officieux… et plus si affinités !

Audrey Durand est lieutenante à la PJ, mais aussi une passionnée d’art. Son métier est sa raison d’être, obstinée elle dissimule ses blessures passées derrière des excès en tout genre (alcool, cannabis, médocs, plans cul sans lendemain…) qui ne manquent pas d’inquiéter ses proches. Pour elle, il ne fait aucun doute que l’art est le fil rouge qui relie les différentes scènes de crime.

À commencer par Patricia Levêque, capitaine à la PJ, supérieure et amie d’Audrey. Mariée et mère de deux grands enfants, elle va devoir composer avec le retour inopiné de son cadet qui a opté pour une vie de marginal. Pas franchement convaincue par la vague théorie artistique défendue par Audrey, elle va pousser son équipe à explorer d’autres pistes.

Joël Dunière est un marchand d’art étroitement lié, de par sa profession, aux deux premières victimes. Une position qui lui vaudra de passer pour un suspect potentiel avant de se rapprocher d’Audrey et de l’aider à creuser la piste artistique.

Puis il y a le reste de l’équipe, tiraillé entre les intuitions d’Audrey et les ordres de Patricia. Chrystel Duchamp apporte beaucoup de soins à ses personnages, elle nous brosse ainsi une galerie de portraits pleine de vie et d’humanité.

Mais l’auteure de néglige pas pour autant ses scènes de crime, combinant adroitement un réel sens esthétique et la sauvagerie des meurtres.

Je ne suis pas spécialement amateur d’art et ne connais pas grand-chose aux différents courants artistiques, mais il n’en reste pas moins que j’ai trouvé cette intrigue très bien ficelée et captivante. Je suis parti curieux (voire dubitatif), je referme ce bouquin totalement convaincu.

Alors que le fin mot de l’histoire nous est révélé, je pestais intérieurement en me disant qu’elle (Chrystel Duchamp) ne pouvait pas nous faire un coup pareil. C’était sans compter sur l’ultime rebond qui vient combler les vides en laissant le lecteur en état de KO technique.

Une version epub qui aurait mérité un travail de finition un peu plus abouti, notamment au niveau des insécables qui sont pratiquement inexistants. Concrètement c’est quasiment invisible pour le lecteur (hormis quelques retours à la ligne un peu hasardeux), toutefois les insécables font partie intégrante des bonnes pratiques de la typographie numérique et contribuent de fait à optimiser le plaisir de la lecture.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Margaret Atwood – La Servante Écarlate

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M. Atwood - La Servante écarlate

Titre : La Servante Écarlate
Auteur : Margaret Atwood
Éditeur : Robert Laffont
Parution : 1987 (réédition 2017)
Origine : Canada (1985)
544 pages

De quoi ça cause ?

Les États-Unis sont devenus la République de Gilead, une dictature théocratique où les femmes sont divisées en castes selon leur rang social et le rôle qui leur a été attribué. Mais Gilead se meurt de son infertilité, les Épouses ne peuvent plus procréer, c’est aux Servantes d’assurer une descendance à leur Commandant.

Defred est une de ces Servantes, reconnaissables à leur tunique rouge. Elle nous raconte son quotidien et partage ses souvenirs de la vie d’avant…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Quelle question ! Parce que c’est un roman devenu culte qui revient souvent (pour ne pas dire toujours) et en bonne position dans les listes des livres qu’il faut AB-SO-LU-MENT avoir lus avant de sucer les pissenlits par la racine.

Ça fait des années que je me dis qu’il faut que je m’y mette, finalement c’est la série télé The Handmaid’s Tale qui aura été l’élément déclencheur. Je voulais impérativement avoir lu le bouquin avant de me laisser tenter par la série.

Ma Chronique

Il m’aura fallu plus de 30 ans pour enfin me décider à lire ce roman, et pourtant je n’avais aucun a priori à son encontre, ni même une quelconque réticence ; au contraire, ça fait des années que je me dis qu’il faut absolument que je le lise.

Finalement c’est la série TV The Handmaid’s Tale et la sortie récente de la « suite » du présent bouquin, Les Testaments, qui m’auront poussé à franchir, ENFIN, le pas.

Avec ce roman Margaret Atwood nous propose une vision dystopique de notre avenir, un monde particulièrement glauque et désespérant, surtout pour la gent féminine. Une société complètement déshumanisée régie par un pouvoir théocratique qui a définitivement banni tout ce qui touche à culture. Un monde formaté où les sentiments n’ont plus droit de cité.

La narratrice, Defred (qui se comprend comme « de Fred », donc appartenant – pour un temps – à Fred, son Commandant), partage son morne quotidien avec le lecteur, mais aussi ses souvenirs du monde d’avant (le monde tel que nous le connaissons, la technologie du XXIe siècle en moins). Le fait qu’elle ait connu ce « monde d’avant » rend la description du quotidien à Gilead encore plus abrupt, encore plus insupportable.

Defred, comme les autres Servantes, joue un rôle essentiel (mais néanmoins ingrat et infamant) pour la survie de Gilead ;  donner un enfant à son Commandant. Une fois par mois elle passe à la casserole en respectant scrupuleusement un cérémoniel de copulation particulièrement dégradant. Le mot copulation est le seul qui me vienne à l’esprit pour désigner un acte mécanique dénué de tout sentiment (faire l’amour est donc inapproprié) et de tout plaisir (tout comme baiser). Les Servantes sont ainsi réduites à de vulgaires matrices potentielles.

Si le récit est glaçant, le ton de la narratrice, à la fois résigné et détaché, nous empêche de nous prendre totalement d’empathie pour le personnage. Je n’aurai pas la prétention de dire que dans la même situation j’aurai fait mieux (c’est typiquement le genre de réaction qui me hérisse le poil), mais j’aurais aimé éprouver un réel sentiment de révolte dans le récit. Point de révolte, juste, parfois, une profonde injustice parfois, avant de retomber dans la résignation.

Dans la même veine, nous n’avons qu’une vague idée de l’existence d’une résistance via le réseau Mayday, mais pas des masses d’infos quant à la nature de ses opérations sinon des exfiltrations en cas de danger immédiat. Voilà qui est un tantinet frustrant, surtout quand la quatrième de couverture annonce : « En rejoignant un réseau secret, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté ».

Malgré ce petit bémol, il n’en reste pas moins que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce bouquin, je ne regrette pas de m’être enfin décidé. Sa place d’œuvre majeure dans le genre dystopique, aux côtés de classiques immortels tels que 1984 (George Orwell, 1949), Le Meilleur Des Mondes (Aldous Huxley, 1932) ou encore Fahrenheit 451 (Ray Bradbury, 1953) n’est en rien usurpée.

C’est le premier roman de Margaret Atwood que je lis, au vu de la qualité de l’écriture (et de la traduction) je sais d’ores et déjà que ce ne sera pas le dernier. À commencer par Les Testaments, je vais faire en sorte de ne pas attendre 30 ans avant de me lancer dans l’aventure (déjà d’un point de vue purement biologique je ne suis pas du tout certain d’avoir 30 ans devant moi).

Si le bouquin est sorti en 1985, il reste terriblement d’actualité, peut-être même plus encore que lors de sa parution initiale. Un cri d’alarme qui nous invite à ne jamais accepter l’inacceptable, à rester vigilant face aux concessions qu’on nous demande de faire. À force de courber l’échine, on finit pour nous la mettre bien profond et à sec !

Je terminerai donc cette chronique en faisant mienne la devise de la résistance : Nolite te salopardes exterminorum. Ne laisse pas les salopards te tyranniser. Un cri du cœur que chacun de nous devrait garder présent à l’esprit… juste au cas où.

Y a-t-il des questions ?

MON VERDICT

[BD] Lapuss’ – Putain De Chat

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Lapuss - Putain De Chat

Titre : Putain De Chat
Auteur : Lapuss’
Éditeur : Monsieur Pop Corn (2016)
Réédition : Kennes (2019)
Origine : Belgique
64 pages

De quoi ça cause ?

Lapuss’ vous présente son chat, Moustique. Moustique est tout sauf adorable, mignon, joueur et espiègle… c’est vraiment un putain de chat !

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Ça fait déjà quelques années que je suis abonné à la page Facebook Putain de Chat et que je suis avec le même plaisir sadique les sombres desseins de Moustique.

Le premier tome de la version BD étant proposé en accès libre chez Net Galley, je me suis volontiers laissé tenter par une redécouverte.

Ma Chronique

C’est la première fois que je propose une chronique d’une BD. Je n’ai rien contre la BD, j’en ai lu beaucoup parmi les classiques (Tintin, Achille Talon, Gaston Lagaffe, Astérix, Les Tuniques Bleues, Lucky Luke…) et quand un nouvel album sort je le lis avec plaisir. Assez peu de référence en matière de BD plus modernes et plus adultes ; j’avais commencé à m’intéresser à The Walking Dead mais j’ai rapidement décroché, par contre j’ai bien aimé la série Sin City de Frank Miller. Et pas du tout attiré par l’univers des Mangas.

Revenons à nos moutons, ou plus exactement à notre chat…

Si vous suivez régulièrement la page Facebook ces quelques planches vous rappelleront de bons souvenirs, avec les premières apparitions de Moustique, quelques inédits auraient toutefois été un plus appréciable.

Si vous ne connaissez pas encore Lapuss’ et son Putain De Chat, je vous invite à vous abonner à sa page FB. Chaque planche propose une courte scène divisée en quelques vignettes (le plus souvent 4, mais ça peut être moins).

Le dessin est plutôt minimaliste mais propre et suffisant pour faire passer le message. Assez peu de dialogues mais ils font souvent mouche ; sachez toutefois que ce brave Moustique n’a pas la langue dans sa poche et a un langage plutôt fleuri.

J’aime beaucoup l’humour (noir) de Lapuss’ mais franchement je ne dépenserai pas 8€ pour m’offrir une BD qui ne propose aucune planche inédite et se lit en un petit quart d’heure (sans se presser).

S’agissant de planches de taille réduite, le format PDF n’est pas un frein à la lecture. Pour les BD plus conséquentes, le format CBR est bien plus adapté à une lecture à l’écran.

Si je ne me l’achèterai pas, il n’est toutefois pas exclu que je puisse l’offrir, dans sa version BD classique, à quelqu’un qui ne connaîtrait pas encore la série. D’autant qu’il existe des coffrets regroupant les 3 premiers tomes ou les 5 tomes parus à ce jour.

Pour mon verdict, je me place dans la position d’un lecteur qui découvrirait les planches pour la première fois. La note de 4 se justifierait pour le ton résolument décalé de la BD, mais pour le rapport qualité/prix je lui retire un demi point.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Neal Shusterman – Le Glas

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N. Shusterman - Le Glas

Titre : Le Glas
Série : La Faucheuse – Tome 3
Auteur : Neal Shusterman
Éditeur : Robert Laffont
Parution : 2019
Origine : USA
720 pages

De quoi ça cause ?

Maître Goddard est enfin arrivé à ses fins, plus rien ni personne ne peut faire obstacle à sa soif de pouvoir et à l’expansion de son Nouvel Ordre.

Des Faucheurs de la Vieille Garde refusent encore de lui prêter allégeance mais ils sont de moins en moins nombreux, et surtout il leur manque une figure de proue pour les fédérer.

A l’inverse les Tonistes se sont réunis derrière un mystérieux prophète qui se fait appeler Le Glas ; et si c’était lui la réponse à la menace que représente Maître Goddard. D’autant que Le Glas est le seul humain avec qui le Thunderhead accepte de communiquer.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce qu’il s’agit de l’ultime opus de la trilogie La Faucheuse et qu’il me tarde de connaître le fin mot de l’histoire… surtout après le final explosif du tome précédent.

Ma Chronique

Et dire que j’ai bien failli ne jamais lire cette trilogie, je serai passé à côté de quelque chose qui mérite vraiment le détour ; comme quoi il ne faut pas toujours se fier aux étiquettes. Dans le cas présent c’est l’étiquette young adult qui me rebutait, je fais un blocage sur la littérature jeunesse. Heureusement qu’un Book Club est passé par là pour me convaincre de surmonter mes a priori.

Afin d’éviter tout spoiler je vais volontairement faire court et rester, autant que faire se peut dans le vague.

Au commencement était le Verbe… Ah non, merde ! Ça c’est une autre histoire…

Dés le début du récit l’intrigue part dans plusieurs directions. Les Tonistes se rassemblent autour de leur nouveau prophète, Le Glas (The Toll en anglais… ça devrait vous donner un indice quant à son identité). Une mission de récupération des reliques d’Endura est conduite par Maître Possuelo, Faucheur de la région d’Amazonie. Maître Faraday et sa complice Munira savent désormais où se situe l’angle mort du Thunderhead et espèrent trouver l’ultime recours prévu par les Maîtres Fondateurs.

Les choses se mettent en place lentement mais sûrement avant de s’assembler. Neal Shusterman donne le ton d’entrée de jeu en installant une ambiance aussi sombre que tendue. Et ça va aller crescendo au fil des coups de sang de Maître Goddard, plus imprévisible et plus incontrôlable que jamais.

Une intrigue menée de main de maître qui nous réserve bien des surprises et quelques brusques poussées d’adrénaline. On voulait du lourd pour clore cette trilogie en beauté, l’auteur va au-delà de nos espérances !

Bien entendu on retrouve avec plaisir un bon nombre de personnages déjà croisés dans les deux précédents tomes. Si vous vous inquiétez du devenir de Citra et Rowan, je dirai simplement que l’illustration de Kevin Tong en couverture répond à la question même si les apparences peuvent parfois être trompeuses…

Neal Shusterman introduit aussi de nouveaux venus, dont certains, tels le/la capitaine de navire Jerico Soberanis et l’ex agent Nimbus Loriana Barchok, seront appelés à jouer un rôle majeur dans le déroulé de l’intrigue.

Le roman le plus dense et le plus intense de la trilogie, il fallait bien ça pour conclure en apothéose une trilogie qui flirte avec l’excellence.

Une adaptation pour le cinéma est en chantier mais pour le moment on sait que c’est Universal qui a les droits, ni date de sortie, ni casting… Pas pour tout de suite donc, mais je suis curieux de voir ce que ça pourrait donner.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Jacques Saussey – Du Poison Dans La Tête

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J. Saussey - Du Poison Dans La Tête

Titre : Du Poison Dans La Tête
Série : Magne & Heslin – Tome 8
Auteur : Jacques Saussey
Éditeur : French Pulp
Parution : 2019
Origine : France
592 pages

De quoi ça cause ?

Daniel Magne reçoit un paquet de la part d’un ancien camarade de classe récemment décédé. A l’intérieur se trouve un brusque rappel d’une blessure secrète jamais complètement refermée : le meurtre de la jeune Fanny Delaunay peu avant la rentrée des classes de 1975. Une affaire jamais élucidée. Fanny était alors son premier amour.

Lisa Heslin se fait du souci pour Oscar leur fils, celui-ci semble être le souffre-douleur de trois élèves du collège. Mais Oscar nie, quand il ne se mure pas dans le silence.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça faisait déjà quelques temps que j’avais envie de découvrir l’univers littéraire de Jacques Saussey ; c’est tout naturellement que j’ai jeté mon dévolu sur son dernier roman en date.

Ce n’est qu’après coup que j’ai vu qu’il s’agissait du huitième opus du duo policier Daniel Magne et Lisa Heslin. Tant pis, ce n’est pas la première fois que je prends le train en route (le plus dur étant de trouver la motivation pour remonter les wagons de retard si la sauce prend).

Ma Chronique

Je remercie les éditions French Pulp et Net Galley pour leur confiance.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets (cf ma chronique de Laisse Le Monde Tomber), j’ai eu la désagréable surprise de découvrir que le bouquin était au format PDF. J’ai donc dû revêtir mon uniforme d’artisan ebooker afin de me bricoler une version au format epub du roman.

Il faudrait vraiment que je prenne le temps de lire intégralement la fiche du bouquin chez Net Galley, de la sorte je pourrai éviter de solliciter des envois au format PDF (quand l’information figure en clair). Sauf que j’ai quand même vachement envie de lire ces satanés bouquins !

Difficile, pour ne pas dire impossible, de vous proposer un pitch exhaustif de ce roman tant l’intrigue part dans de multiples directions, sans qu’il existe de fil rouge entre elles sinon leurs répercussions sur la vie du couple Magne et Heslin (et encore toute une partie de l’intrigue ne les impacte pas directement).

Si comme moi vous prenez le train Magne / Heslin en route vous allez rapidement vous rendre compte que vous ne débarquez pas forcément au moment le plus opportun. Chacun est en effet très occupé ou préoccupé… et ça ne fait que commencer !

Jacques Saussey nous propose une intrigue à dimensions multiples, les différents arcs narratifs n’étant pas non plus forcément liés les uns aux autres. Ça pourrait rapidement devenir un sac de nœud inextricable mais l’auteur sait rester maître de son sujet et n’embrouille jamais le lecteur. Il mène sa barque (ou plutôt ses galères) sans jamais perdre le contrôle de l’ensemble.

À la base c’est le côté pervers narcissique de l’intrigue qui m’a attiré, l’auteur décrit avec beaucoup de réalisme et de pertinence le lent processus de destruction / soumission psychologique (d’où le titre du roman) que ces salopards déploient pour s’assurer que leur victime reste sous leur coupe. C’est incontestablement l’aspect de l’intrigue qui m’a le plus captivé, et il n’implique quasiment pas ni Daniel Magne, ni Lisa Heslin.

Le côté obsessionnel de la quête de justice (ou plus exactement de vengeance) de Daniel Magne m’a parfois perturbé. Je peux comprendre ce besoin de comprendre mais il aurait parfaitement pu mener sa mission sans négliger ses proches. Force m’est de reconnaître que j’ai trouvé qu’il jouait franchement au con au niveau de sa relation avec Lisa Heslin. Rien d’étonnant donc à ce que ça finisse par lui revenir en pleine gueule.

Ce ne sont que deux arcs narratifs de l’intrigue, il y en a bien d’autres que je vous laisse découvrir…

J’ai particulièrement apprécié la dimension humaine du récit, même si je découvrais les différents acteurs je les ai tout de suite appréciés (qu’il s’agisse du couple Magne / Heslin ou du duo d’enquêteurs Fred / Ludo). Je suppose que pour les lecteurs qui suivent ces personnages depuis le début cet attachement au côté humain est encore plus flagrant.

Pour une découverte je peux d’ores et déjà affirmer que je suis sous le charme de l’écriture de Jacques Saussey. Ce bouquin est un sans-faute, qu’il s’agisse de l’intrigue, des personnages ou du style de l’auteur. Incontestablement de quoi me donner envie de me pencher sur ses prochains romans, et, si l’occasion se présente, de découvrir ses précédents.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Karine Giebel – Ce Que Tu As Fait De Moi

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K. Giebel - Ce que tu as fait de moi

Titre : Ce Que Tu As Fait De Moi
Auteur : Karine Giebel
Éditeur : Belfond
Parution : 2019
Origine : France
552 pages

De quoi ça cause ?

Quand Laëtitia Graminsky intègre la Brigade des Stups avec le grade de lieutenant, c’est un rêve d’enfant qui se réalise pour elle. Elle est alors loin de se douter que la perversité de ses supérieurs va transformer le rêve en cauchemar…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Karine Giebel et que cette auteure a le don de me prendre aux tripes à chaque fois, sans qu’aucun de ses romans ne ressemble aux précédents.

Ma Chronique

Une fois de plus Karine Giebel frappe fort avec son nouveau roman, le fait de lire ce roman alors que les violences faites aux femmes font la une de l’actualité a sans doute contribué à rendre cette lecture particulièrement éprouvante.

Il faut dire que je voue une haine farouche aux salopards qui abusent des femmes ; que la violence soit psychologique, physique ou sexuelle, j’estime que ces ordures ne méritent aucune compassion. Juste de se faire couper la queue, prendre un coup de surin dans le bide et crever dans le caniveau en une lente et douloureuse agonie…

Ce postulat étant posé vous comprendrez aisément que j’ai immédiatement pris en grippe Ménainville et Fougerolles pour ce qu’ils faisaient subir à Laëtitia ; qu’importe comment, je voulais les voir tomber et souffrir. Même en sachant pertinemment qu’avec une auteure comme Karine Giebel il faut se méfier des apparences, le ressentiment était tout simplement viscéral.

Commençons par le commencement. Après un prologue lourd de sens, pour ne pas dire prophétique, le roman s’ouvre par l’arrivée de l’IGPN à la brigade des Stups de L. (la ville ne sera jamais nommée). Le commandant Ménainville et le lieutenant Graminsky vont être entendus séparément suite à un drame les impliquant.

Dès lors le lecteur va suivre un récit à deux voix relatant le déroulé des événements depuis l’arrivée de Laëtitia au sein de la brigade jusqu’à la scène de crime justifiant l’intervention de la police des polices (on se doute bien que ces gens-là ne se déplacent pas pour des futilités).

Rien à redire Karine Giebel maîtrise à la baguette ses personnages et le déroulé de son intrigue, mais force est de reconnaître que celle-ci ne réserve pas de grosse surprise. La nature même du drame s’impose assez rapidement (pas totalement, mais dans sa globalité) et le reste est relativement prévisible.

Si le profond dégoût éprouvé pour Ménainville et Fougerolles ne m’a jamais quitté (il allait même crescendo au fil des pages), force est de reconnaître que plus d’une fois j’ai eu envie de foutre un monumental coup de boule à Graminsky. Mais bon il paraît que ça s’appelle la passion et que ça ne se contrôle pas… N’empêche que l’empathie que j’avais pour elle a fondu comme neige au soleil, à l’inverse de mon envie de voir sombrer Ménainville.

Ce revirement émotionnel n’a en rien terni le plaisir que j’avais à lire ce bouquin, si je me suis complètement détaché des personnages, mon envie de connaître le fin mot de l’histoire restait plus que jamais entière (j’ai lu le bouquin quasiment d’une traite).

N’allez pas croire que la dimension passionnelle de l’intrigue m’ait totalement échappé, mais dès qu’il y a une quelconque forme de contrainte, je me ferme comme une huître.

Une fois de plus Karine Giebel ose quelque chose de nouveau, une fois de plus son talent narratif fait mouche même s’il n’a pas trouvé chez moi l’écho attendu ; je ne peux même pas mettre ça sur le dos du contexte, je vous l’ai dit : c’est viscéral. Comme la passion, ça ne s’explique pas.

MON VERDICT
Coup de poing